Bauge (monter un mur)

De Maisons Paysannes de France
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Mur en bauge monté en trois levées de 50 cm sur un soubassement de silex maçonné au mortier de chaux.

Photo Dominique Le Villain © Maisons Paysannes de l'Eure.

La bauge (ou bauche) est un mortier de terre humide additionné de fibres végétales ou parfois animales. Semblable au torchis, son nom diffère néanmoins par l'usage qui en est fait. La bauge sert notamment au montage de murs sans banche et sans stabilisant d'origine minérale (chaux, ciment).

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Recueil technique Pisé, bauge, torchis

Composé des meilleurs articles de la revue Maisons Paysannes de France sur le pisé, la bauge et le torchis, vous trouverez dans ce recueil tous les conseils pour réaliser et utiliser ces matériaux.

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Localisation des constructions en bauge

De nombreuses constructions en bauge sont situées en Basse-Normandie (notamment dans le marais du Cotentin et du Bessin), Haute-Normandie (Plaine de l'Eure) et Bretagne (bassin de Rennes) ou plus généralement dans des régions au climat pluvieux disposant de sols limoneux.

Dans certaines communes du marais du Cotentin et du Bessin, on recensait en 2010 des villages où le bâti ancien était constitué jusqu'à 80% de bauge[1]. Ces bâtisses sont appelées localement "mâsse".

On trouve également des constructions en bauge dans le Berry, le Poitou, la Vendée et le Lot-et-Garonne.

Composition

Granulométrie

Le bauge est constituée de terre argilo-limoneuse avec parfois présence de petits silex. La terre est donc fine.

Stabilisation du matériau

Des fibres végétales sont ajoutées à la terre argileuse collante permettant une bonne tenue lors de la phase plastique ainsi qu'un séchage parfois plus rapide. Cela peut être de la paille. Il peut également y avoir des fibres animales ajoutées à la préparation.
Préparation de la bauge : ajout de paille à la terre humide

Photo Maisons Paysannes de l'Eure ©
Malaxage de la terre et de la paille

Photo Maisons Paysannes de l'Eure ©
Pose de bauge avec fourche

Photo Maisons Paysannes de l'Eure ©
Mur en bauge restauré

Photo Dominique Le Villain © Maisons Paysannes de l'Eure.
Pose d'un enduit terre sur mur en bauge.

Photo Dominique Le Villain © Maisons Paysannes de l'Eure.

Spécificités hygrothermiques

La terre possède un pouvoir de régulation hygrothermique qui permet d'apporter des qualités spécifiques aux constructions en bauge. Même si en terme de conductivité thermique son lambda est fort (0,7W/m.°C) impliquant une faible isolation, l'intérieur des maisons des Marais atteint une température de chauffage intérieure de 15°C à 17°C.

Ceci est en partie dû  à la forte épaisseur des murs (70cm ou 1m d'épaisseur) qui réduit l'effet de paroi (sensation d'inconfort ressentie à côté d'une paroi dont la température est est inférieure à la température ambiante de la pièce). Les parois d'une maison en bauge a d'ailleurs parfois des températures de paroi supérieures de 1 à 2°C par rapport aux températures ambiantes[2].

Aussi, la terre a la capacité d'absorber et de restituer l'eau sous forme de vapeur maintenant ainsi une ambiance hygrométrique de 35% à 85% d'humidité, adaptée à la physiologie humaine.

Mise en œuvre

Etapes de préparation

La bauge peut être réalisée "manuellement" ou à l'aide d'une bétonnière pour malaxer le mortier.

  • Déposer la terre au sol puis mouiller et malaxer avec une fourche à trois dents jusqu'à obtenir une belle consistance collante et une épaisseur d'environ 10cm.
  • Etendre la paille précoupée sur ce mélange et la mélanger avec la terre.
  • Mettre une deuxième couche de terre et de paille et malaxer à nouveau avec la fourche. Faire de même avec une troisième et quatrième couche.
  • Fouler la préparation à pieds d'hommes ou piétinée par des animaux jusqu'à être bien homogène.
  • Laisser se reposer la terre quelques temps avant emploi.

Mise en œuvre

La bauge est façonnée directement sur le chantier sans banche (contrairement au montage du pisé). Il permet une grande liberté architecturale et s'adapte particulièrement bien aux formes circulaires.

Cette terre grasse additionnée de paille hachée atteint un taux d'humidité de 30% lors de sa mise en œuvre.

L'édification d'un mur en bauge se fait par levées de terres superposées.

Il peut être construit directement à l'aide de mottes de terre superposées (dans le cas de bourrines) ou bien dans la plupart des cas sur un soubassement en pierre qui permet de protéger la base du mur de l'humidité venue du sol.

La hauteur de ces levées varient entre 40cm à 1,20m suivant la consistance de la bauge et le savoir-faire du maçon pour les monter. Le mur est monté à fruit avec une largeur d'environ 80cm à sa base qui s'affine ensuite vers le sommet afin d'assurer une meilleure stabilité.

La levée est compactée au bâton et taillée puis à nouveau compactée et lissée. Elle doit sécher avant d'être taillée à l'aide d'un bâton ou d'une pelle plate (appelée paroir).

Séchage

Après montage d'une première levée, la bauge nécessite un temps de séchage (ou temps de cure) d'une à quatre semaines avant que la levée suivante puisse être réalisée et ce jusqu'à la hauteur du mur souhaitée.

Pose d'enduit

Le mur en pierre est ensuite recouvert d'un enduit à la chaux qui permet les transferts hydriques entre les ambiances extérieures et intérieures.

Le mortier peut être réalisé en chaux aérienne mélangée à du sable et de la terre.

Une méthode de construction menacée

Circulation de l'humidité à l'intérieur d'un mur en terre. Dessin Pauline Gabert © d'après Christian Delabie
Les bâtisses en bauge sont vouées à la disparition car ce matériau est de moins en moins mis en œuvre. Aussi, la méconnaissance de la bauge et des savoir-faire associé à ce matériau implique un manque d'entretien ou alors au contraire, des restaurations inadaptées qui provoquent l'effet inverse de celui recherché.

A proscrire

Mur en bauge recouvert d'un enduit ciment décollé

Photo Jean Peyzieu ©
Des enduits hydrauliques (exemple du mortier de ciment) sont à interdire pour les murs en terre. Adhérant mal à ce matériau, le ciment est trop étanche à la vapeur d'eau et donc inadapté à la "respiration" du mur.

Les travaux de modernisation comme l'élargissement des baies ou des portes, l'ajout de fenêtres, la pose d'une isolation inadaptée, conduisent à une dégradation de ce type de bâti.

Le manque d'attention porté à ces constructions ou une restauration inadaptée peut se lire en façade au travers de fissures, de trous (parfois remplis par des matériaux divers inadaptés), d'un enduit de ciment boursoufflé ou décollé. La pose d'un produit isolant hermétique induit d'importants désordres structurels : l'humidité est stagnante dans le mur en bauge, des moisissures et champignons apparaissent.

Se former

L'Association Maisons Paysannes propose des formations afin de se familiariser avec la réalisation de bauge et sa mise en oeuvre dans la construction. C'est le cas notamment de la délégation Maisons Paysannes de l'Eure qui propose régulièrement des stages pratiques.

Guide des bonnes pratiques de la construction en bauge

Depuis 2015, onze structures nationales ou régionales ont travaillé à la mise en place de six guides de bonnes pratiques pour la construction en terre crue

Ces guides sont destinés à créer des rapports de confiance entre les praticiens (concepteurs, bâtisseurs, ingénieurs, etc), et les maîtres d'ouvrages, bureaux de contrôle, assureurs et autres professionnels qui sont parties prenantes dans des ouvrages en terre crue et peuvent ainsi les aider à juger de la qualité des réalisations. Ils constituent un premier pas vers un consensus normatif de la profession.

Un guide est notamment dédié à la bauge, permettant ainsi de prendre en compte la diversité des variantes de ce type de construction. Cet ouvrage est disponibles en téléchargement sur les sites des onze structures, à savoir :

- ARESO (Association régionale d’Ecoconstruction du Sud-Ouest) : http://www.areso.asso.fr/

- ARPE Normandie (Association régionale pour la Promotion de l’Ecoconstruction) :  http://www.arpe-bn.com/

- AsTerre (Association nationale des professionnels de la Terre crue) :https://www.asterre.org/

- ATOUTERRE (Collectif de professionnels de la construction en terre cure de Midi-Pyrénées) : http://atouterre.pro/

- CAPEB (Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment) : http://www.capeb.fr/

- CTA (Collectif Terreux Armoricains) : https://webmaster50050.wixsite.com/terreux-armoricains

- FFB (Fédération française du bâtiment) : https://www.ffbatiment.fr/

- FEDESCOP BTP (Fédération SCOP du Bâtiment) : https://scopbtp.org/

- MPF (Maisons paysannes de France) : http://maisons-paysannes.org/actualites/?23221_terre-crue-guides-techniques-a-telecharger

- Réseau Ecobâtir : http://site.reseau-ecobatir.org/

- TERA (Terre crue Auvergne-Rhône-Alpes : https://terre-crue-rhone-alpes.org/




Bibliographie

  • DELABIE C., (1990) Restauration d'une maison de bauge dans les Marais du Cotentin (Manche), Revue Maisons Paysannes de France, n°96, 2T, pp.12-15.
  • DELAGREE M. (2007), Le bâti de terre, Revue Maisons Paysannes de France, n°164, 2T, pp.26-28.
  • Guide des bonnes pratiques pour la construction en bauge, Décembre 2018. Disponible à l'adresse : http://maisons-paysannes.org/actualites/?23221_terre-crue-guides-techniques-a-telecharger
  • LAHURE F. (1994), Pisé ou bauge?, Revue Maisons Paysannes de France, n°111, 1T, p.30.
  • LHUILLERY M.(1979), La bauge en Beauce, Revue Maisons Paysannes de France, n°53, 3T, pp.21-22.
  • PATTE E., STREIFF F., (2010) La bauge dans les marais du Cotentin et du Bessin, Revue Maisons Paysannes de France, n°176, 2T, pp.16-19.
  • PEYZIEU J., (2013) Où l’eau se mêle à la terre, Revue Maisons Paysannes de France, n°190, 4T, pp.18-23.

Références

  1. PATTE E., STREIFF F., (2010) La bauge dans les marais du Cotentin et du Bessin, Revue Maisons Paysannes de France, n°176, 2T, p.16
  2. Restauration d'une maison de bauge dans les Marais du Cotentin (Manche), Revue Maisons Paysannes de France, n°96, 2T, p.14