Lavoir

De Maisons Paysannes de France

Un lavoir est un équipement communal à intérêt collectif construit auprès d'une source naturelle ou d'une rivière permettant d'y laver et rincer le linge.

Ce type de construction s'est notamment développé au XIXème siècle lorsque suite à plusieurs épidémies, le gouvernement a voté une loi en faveur de la construction d'équipements favorisant de nouvelles habitudes hygiénistes.

Développement des lavoirs

Sous l'Ancien Régime, les communes rurales n’avaient pour la plupart pas leurs propres ressources ni d'équipements et les ressources dépendaient du seigneur local. La fin des droits et privilèges féodaux votée par l'Assemblée nationale constituante du 4 août 1789, marquant par la même occasion la fin de l'Ancien Régime, permet dorénavant aux municipalités d'être autonomes.

Par le Décret du 14 décembre 1789, les communes deviennent alors gestionnaires de leur budget et responsables de la construction d'équipements améliorant les conditions de vie des citoyens : « Les fonctions propres au pouvoir municipal […] sont : […] de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics »[1].
Lavoir couvert à Laives.

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Les bords du bassin sont inclinés pour permettre le battage du linge.

Photo Maisons Paysannes de France © Délégation de Saône-et-Loire.

C'est après les différentes épidémies de typhoïde, variole et choléra du XVIIIème et XIXème siècles qu'une conscience hygiéniste gouvernementale se développe. La propagation de ces maladies est notamment amplifiée par l'utilisation d'eaux souillées ou stagnantes servant aussi bien au lavage du linge que d'eau alimentaire pour hommes ou animaux.

La construction d'équipements salubres devient donc une priorité pour les communes qui commencent à installer les équipements nécessaires au bien-être de la collectivité. La loi du 3 février 1851 votée par le gouvernement de la Deuxième République et accordant un crédit spécial aux communes pour subventionner la construction de modèles de lavoirs publics gratuits ou à prix réduits, contribue particulièrement au développement des lavoirs dès la deuxième partie du XIXème siècle.[2]

Les villages et hameaux, quelque soit leur importance démographique, s'équipent progressivement de lavoirs qui deviennent des équipements publics au même titre que des mairies et écoles favorisant également les rencontres et les échanges.[3]

En plus des puits et fontaines, les lavoirs constituent des points d’approvisionnement en eau potable dans les municipalités. Certaines communes en sont d'ailleurs parfois dotées de plusieurs.[4]

Emplacement

La plupart des lavoirs, même s'ils ne servent plus à la lessive, sont encore bien conservés et généralement situés dans les centre bourgs où ils sont entretenus et mis en valeur comme éléments décoratifs d'un village.[5]

Lorsqu'un village est situé en hauteur, au dessus de la vallée, les lavoirs sont alors souvent construits à l'écart du bourg, en contrebas sur la berge de la rivière.

Architecture

Le lavoir peut être situé au bord d'un cours d'eau ou bien être alimenté par une source. L'édifice peut être à ciel ouvert ou couvert, protégé par des murs, murets ou complètement ouvert sur l'extérieur. Il en existe de forme rectangulaire, circulaire ou ovale et de différentes dimensions. Les matériaux et formes choisis conviennent à l'architecture locale tout en comportant parfois de nouveaux matériaux issus de l'industrie métallurgique. La structure du lavoir comporte la plupart du temps des poteaux en bois ou pierre et des murs en pierre de taille. La couverture en tuiles canal, mécaniques ou en lauzes repose généralement sur une charpente souvent complexe et travaillée en bois ou en métal.

Certains lavoirs de communes proches comportent des similitudes architecturales, les commandes pour leur construction étant parfois groupées entre les villages.

Le lavoir comporte un bassin principal, parfois complété par des bacs individuels en pierre de plus petite taille où tremper et rincer le linge. Le rebord du bassin en pierre est incliné afin de pouvoir y battre le linge. Certains lavoirs sans rebord comportaient également des pierres individuelles inclinées autour du bassin.

Si le lavoir est alimenté par une source, le passage de l'eau se fait par des vannes à l'entrée et à la sortie du bassin afin d'offrir un débit adéquat et de maintenir un niveau d'eau constant. Une canalisation latérale permet l’évacuation de l’eau lors de la fermeture de la vanne d’entrée.

Le lavoir pouvait également servir de point d'eau claire où l'on venait s'approvisionner avec un seau avant que celle-ci ne s'écoule dans le bassin de lavage. Parfois, le trop plein d'eau du bassin s'écoulait par vers des auges extérieures accolées au lavoir, permettant d'abreuver les animaux.

Typologie des lavoirs

On distingue deux types de lavoir :

  • Lavoir au fil de l’eau
  • Lavoir avec eau captée à la source

Lavoirs au fil de l'eau

Tout d'abord à ciel ouvert, le lavoir s'est ensuite transformé en un local couvert afin de protéger les lavandières de la pluie ou d'un trop fort soleil. Cet équipement a ensuite été étudié pour faciliter l'accès au bassin et permettre un meilleur déplacement des brouettes contenant le linge. Le niveau des rivières étant variable, l'architecture des lavoirs a également évolué afin de s'y adapter au mieux.

Lavoir à ciel ouvert

Les premiers lavoirs étaient installés au bord de la rivière, là où les femmes avaient déjà pour habitude de laver le linge en le battant sur une pierre posée sur la berge. Ce type d'installation présentait des inconvénients lors des mauvaises conditions climatiques.

Lavoir passerelle

Ce type de lavoir prend appui sur les deux berges d'une rivière généralement étroite. Une passerelle permettant le franchissement du cours d'eau est généralement associée aux vannes qui contrôlent le niveau du bassin en aval.

Lavoir à pierre de battage unique

Le lavoir dispose d'une pierre de battage du linge donnant sur l'eau et est couvert d'un toit à un ou deux versants reposant sur un mur en maçonnerie arrière situé sur la berge avec un versant incliné vers la rivière qui s'appuie sur une série de poteaux en bois reposant sur la margelle.

Le sol du lavoir est dallé ou pavé afin de faciliter l'évacuation des eaux sales, des boues et le nettoyage des dépôts restant après les inondations.

Lavoir à gradins

Le niveau de la rivière n'étant pas toujours le même que celui de la pierre de battage, certains lavoirs sont construits à gradins avec un à trois niveaux de marche afin de s'adapter au niveau de l'eau changeant en fonction des conditions climatiques.

Lavoir des Cordeliers (construit dès la fin du XVème siècle) donnant sur le Loir, Vendôme. La planche de lavage s'adapte au niveau du Loir.
Photo Christine Buisson, Maisons Paysannes de France, concours photo 2015.
Lavoir à planchers mobiles

Le développement de l'industrie a favorisé l'utilisation de pièces métalliques dans la construction des lavoirs. Les planches où est effectué le lavage sont réglables avec des crémaillères, manivelles ou cordes afin de s'adapter au niveau du cours d'eau.

Lavoirs alimentés par une source

Lavoir ouvert sur source Bors-de-Montmoreau. Trois bords du bassin en pierre sont inclinés afin de pouvoir y battre le linge. Une pompe à eau à proximité permettait d'extraire l'eau en sous-sol.
Photo Maisons Paysannes de France © Délégation de Charente[6].

Les bassins alimentés par une source peuvent être installés aussi bien au cœur du village, au carrefour de deux routes ou à proximité d'une place que caché, en retrait du centre-bourg. Certains lavoirs se trouvent également complètement à l'écart du centre, isolés dans l'espace rural.

En Saône-et-Loire, les lavoirs sont établis en milieu calcaire car les sols perméables ne permettent pas de retenir l’eau.[7]

La forme du bassin n'influence pas toujours la forme générale du lavoir.

Lavoir ouvert mais non couvert

Ce type de lavoir ressemble à un simple point d'eau dans la nature mais il se distingue par la construction d'un bassin en pierre. Il peut être alimenté par une source. Certains de ces lavoirs disposent également d'un puits ou d'une pompe pour extraire l'eau en sous sol.

Lavoir couvert et ouvert sur quatre côtés (type halle)

Le lavoir est couvert par un toit posé sur des poteaux en bois ou fonte mais est complètement ouvert sur ces quatre côtés. Ce type de lavoir couvert protégeait les lavandières du soleil et de la pluie mais pas des courants d'air.

Ce bassin était rendu aussi plus accessible au bétail qui venait s'y abreuver ou bien aux canards et oies qui y nageaient librement. Certains habitants s'en servaient également de plan d'eau pour y laver leurs légumes ou y jeter leurs déchets.

L'accès facilité à tout public ne permettaient donc pas de maintenir la salubrité du lieu. L'architecture du lavoir a donc évolué vers une structure partiellement close ou fermée par des murs pleins, ces typologies ne connaissant apparemment pas ces abus[8]. Les mesures d'hygiène de ces lieux publics seront par la suite appliquées dans tous les lavoirs.
Lavoir à St-Clément-sur-Guye (Saône-et-Loire)

Photo Hubert Cateland © Maisons Paysannes de France, Délégation de Saône-et-Loire.
Lavoir semi-ouvert

Le bassin du lavoir est couvert par une toiture à quatre pans soutenus par des poteaux de bois, de pierre ou parfois de métal, reposant eux-mêmes sur des murets en pierre de taille ou parfois de ciment.

Cette structure à demi ouverte permet de faire circuler l'air tout en protégeant les lavandières des regards indiscrets.

Lavoir ouvert sur un côté

Les lavoirs de ce type comportent trois murs pleins et un ouvert, généralement sur le côté sud.

Les façades de ces édifices reprennent souvent des éléments de l'architecture classique : colonnes doriques, toscanes ou corinthiennes, frises, statues, moulures,... Les ouvertures de ces lavoirs sont symétriques.

Lavoir semi circulaire (ou en hémicycle)
Lavoir couvert à Thonon-les-Bains. Le bassin ovale est entouré de pierres de lavages individuelles. Le toit repose sur une charpente est métallique.
Photo Robert Heymann © Photothèque Maisons Paysannes de France, concours photo 1994.

Ce type de lavoir en pierre de taille qui emprunte des éléments dans l'architecture néo-classique et notamment gréco-romaine. Il dispose d'un plan en hémicycle dont les murs sont courbes.

Mairie-lavoir située dans l'Yonne.
Photo Julien Delannoy © Photothèque Maisons Paysannes de France, concours photo 2015.
Mairie-lavoir

Ce type de bâtiment se trouve au centre des certaines communes et se distingue par une architecture organisée dont la lecture extérieure permet de distinguer ses deux fonctions : politique et hygiéniste.

Le rez-de-chaussée du bâtiment est occupé par le bassin de lavage tandis que l'étage, considéré comme un étage noble souvent accessible par un grand escalier extérieur, accueille les locaux de la mairie.

Autrefois, cette répartition des espaces symbolisait également une "répartition sexuée des rôles"[9] et activités dans la société : les femmes, considérées comme des "mauvaises langues", discutaient entre elles de la vie domestique, privée et intime, tandis qu'à l'étage, les discussions et affaires publiques étaient uniquement réservées aux hommes.

Lavoir-séchoir

Un lavoir-séchoir dispose d'un bassin de lavage au rez-de-chaussée et d'un étage réservé au séchage du linge.

L'étage peut disposer de petites ouvertures ou de parois en bois à claire-voie permettant l'aération de la pièce.

Organisation de la lessive

Equipement de la lavandière : seau pour puiser l'eau, selle (garde-genou avec planche à laver intégrée) , planche à laver avec battoir.
Photo Maisons Paysannes de France © Délégation de Charente.

La lessive était autrefois réalisée par la maîtresse de maison dans les foyers modestes tandis que les demeures plus importantes (notables, bourgeois, curé ou instituteurs) faisaient appel à des lavandières professionnelles.

La première phase de la lessive se déroulait dans une buanderie accolée à la maison, généralement proche du four à pain. Pendant l'utilisation du four, des cendres étaient récupérées puis mises de côté pour être refroidies. Elles étaient mises dans une petite poche en tissu et servaient de poudre lavante. Cette poche était posée dans un cuvier avec le linge sale, sur lequel on versait de l'eau bouillante. Un trou au fond de la cuve permettait de récupérer l'eau qui était à nouveau mise à bouillir puis versée plusieurs fois sur le linge.

Après cette étape qui durait plusieurs heures, le linge était récupéré par les lavandières qui se rendaient au lavoir afin d'effectuer la phase de battage et rinçage du linge. Posé sur des brouettes à claire-voie, le linge pouvait s'égoutter en chemin.[10]

Les lavandières s'installaient ensuite accroupies dans une boite en bois appelées "garde-genoux" ou "carrosse" dont le fond était tapissé de paille, afin d'être plus confortable. Cette boîte permettait aux lavandières d'éviter les éclaboussures. Certains gardes-genoux pouvaient intégrer une planche à laver et portait alors dans ce cas le nom de "selle"[11].

Entretien

Les cantonniers s'occupaient de l'entretien et du nettoyage régulier des lavoirs. La vanne d’arrivée d’eau s’écoulait par un conduit latéral hors œuvre et après l’opération, on remettait le lavoir en eau.[12]

Le lavoir aujourd'hui

Aujourd’hui, ces constructions ont perdu leur fonction initiale mais peuvent néanmoins rester des lieux de rencontre.

Alors que certains sont parfois remplis de terre et de plantes et sont relégués à la décoration de la commune, d'autres ont été transformés en salle des fêtes, en étape pour les promeneurs ou cyclistes, en abribus ou en bâtiment d'entreposage. Lieu public souvent couvert, les habitants peuvent également s'y rencontrer facilement.

S'ils sont bien restaurés avec les techniques locales et les matériaux traditionnels, les lavoirs peuvent également servir de référence pour la restauration d'autres ouvrages d'un village.

Rôle social du lavoir

Le lavoir était fréquenté uniquement par les femmes, certaines venant parfois avec leurs enfants quand ils ne pouvaient être gardés. C'était un lieu de retrouvailles, de discussions, de ragots et parfois de jalousie entre les lavandières dont le linge était de meilleure facture.

Bibliographie

  • CHARTIER J., LOUVEAU A., Lavoirs en Sarthe, ITF Imprimeurs, Mars 2015.
  • COMITÉ DÉPARTEMENTAL DU TOURISME DE VENDÉE, Etude Les lavoirs de Vendée, Revue Maisons Paysannes de France, n°159, 1T, 2006. pp.34-36.
  • CONSEIL D'ARCHITECTURE, D'URBANISME ET DE L'ENVIRONNEMENT DE SAÔNE-ET-LOIRE, Emplacements et fonctions, Les puits, fontaines et lavoirs, Les lavoirs, miroirs d'eau, Guide de valorisation du Petit Patrimoine sur le territoire du Grand Site Solutré-Pouilly-Vergisson.
  • DE BORD J., Lavoirs, Fiche technique, Maisons Paysannes de France, Délégation de Dordogne, 2014. Disponible à l'adresse : https://aquitaine.maisons-paysannes.org/dpt/dordogne/les-lavoirs/
  • DUMENIL G., Le rôle social du lavoir, Revue Maisons Paysannes de France, n°182, 4T, 2001. pp.33-35.
  • LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE, Lavoir des Cordeliers : nouvelles bases, Article mis à jour le 07/09/2019 . Disponible à l'adresse : https://www.lanouvellerepublique.fr/vendome/lavoir-des-cordeliers-nouvelles-bases
  • Loi relative à l'organisation des communes du royaume de France, Décret de l'Assemblée nationale, 14 décembre 1789, Article 50. Disponible à l'adresse : https://fr.wikisource.org/wiki/Loi_relative_%C3%A0_l%27organisation_des_communes_du_royaume_de_France
  • MAISONS PAYSANNES DE CHARENTE, Origine et typologie des lavoirs, Puits et lavoirs en Pays Sud Charente, Les carnets du Patrimoine de Pays en Charente

Références

  1. Loi relative à l'organisation des communes du royaume de France, Décret de l'Assemblée nationale, 14 décembre 1789, Article 50. Disponible à l'adresse : https://fr.wikisource.org/wiki/Loi_relative_%C3%A0_l%27organisation_des_communes_du_royaume_de_France
  2. MAISONS PAYSANNES DE CHARENTE, Origine et typologie des lavoirs, Puits et lavoirs en Pays Sud Charente, Les carnets du Patrimoine de Pays en Charente. p.18.
  3. CAUE de Saône-et-Loire, Le lavoir, un lieu public vulgarisé au XIXe siècle, Les puits, fontaines et lavoirs, Les lavoirs, miroirs d'eau, Guide de valorisation du Petit Patrimoine sur le territoire du Grand Site Solutré-Pouilly-Vergisson, p.52.
  4. Ibid, p.11.
  5. Ibid. p.11.
  6. MAISONS PAYSANNES DE CHARENTE, Origine et typologie des lavoirsPuits et lavoirs en Pays Sud Charente, Les carnets du Patrimoine de Pays en Charente. p.22.
  7. Ibid, p.52.
  8. Citation de Félix Narjoux dans CAUE de Saône-et-Loire, Emplacements et fonctions, Les puits, fontaines et lavoirs, Les lavoirs, miroirs d'eau, Guide de valorisation du Petit Patrimoine sur le territoire du Grand Site Solutré-Pouilly-Vergisson, p.9.
  9. CONSEIL D'ARCHITECTURE, D'URBANISME ET DE L'ENVIRONNEMENT DE SAÔNE-ET-LOIRE, Emplacements et fonctions, Les puits, fontaines et lavoirs, Les lavoirs, miroirs d'eau, Guide de valorisation du Petit Patrimoine sur le territoire du Grand Site Solutré-Pouilly-Vergisson. p.12.
  10. COMITÉ DÉPARTEMENTAL DU TOURISME DE VENDÉE, Etude Les lavoirs de Vendée, Revue Maisons Paysannes de France, n°159, 1T, 2006. p.34.
  11. MAISONS PAYSANNES DE CHARENTE, Origine et typologie des lavoirs, Puits et lavoirs en Pays Sud Charente, Les carnets du Patrimoine de Pays en Charente. p.19.
  12. DE BORD J., Lavoirs, Fiche technique, Maisons Paysannes de France, Délégation de Dordogne, 2014. Disponible à l'adresse : https://aquitaine.maisons-paysannes.org/dpt/dordogne/les-lavoirs/, p.2.