Sables

De Maisons Paysannes de France

Le sable est un ensemble de grains ou de petits fragments de substances minérales provenant de la désagrégation ou parfois de la cassure des roches. D'après la grosseur des grains dominants, le sable est dit "grossier", "moyen" ou "fin". Le plus souvent, les sables sont quartzeux mais, suivant la matière qu'ils contiennent en plus, ils sont glauconieux, micacés, feldspathiques ou lignifères. Ils peuvent être également calcareux.

De manière générale, est appelée sable toute roche meuble formée de grains qui varient de l'infiniment petit à 1 cm.

On distingue deux types de sables : les sables naturels, tels que les sables de rivière, les sables de carrière, les sables vierges (arènes) ou les sables de mer, et les sables artificiels, qui proviennent également des roches naturelles mais qui sont broyés et concassés mécaniquement.

Les sables naturels

Les sables de rivière ou sables roulés

Depuis toujours, les sables de rivière ont eu la préférence des constructeurs car ils sont exempts de matières terreuses (à condition qu'ils soient prélevés dans des endroits à courant fort). Ils adhèrent bien aux liants et leur forme arrondie semble simplifier la mise en œuvre. Ces sables étaient prélevés manuellement à l'aide d'un râteau spécial par les propriétaires riverains. Certains, les "tireurs de sable", trouvaient dans ce travail un petit revenu. Ce sable était parfois mélangé avec celui des sablonnières. Cette activité a disparu de nos jours, conséquence d'une réglementation stricte engendrée par les abus.

Les sables de carrière ou sables fossiles

Ils sont tirés des couches sédimentaires plus ou moins profondes. La forme de leurs grains est à la fois anguleuse et arrondie. Ils permettent des variations de couleurs naturelles dans les enduits, grâce à la présence d'argiles.

Les sables vierges (arènes)

Ce sont des sables tirés des affleurements de roches en cours de décomposition (type granite ou gneiss), riches en quartz et en feldspath. En effet, l'altération des granites, par exemple, qui dépend essentiellement de celle des feldspaths, conduit à la formation d'arènes granitiques. Ces sables, dits "grossiers", non usés, sont rudes et anguleux. Ils sont, selon l'avis de certains maçons, plus difficiles à mettre en œuvre, en particulier pour les enduits.

Les sables de mer

Les sables de mer étaient peu utilisés sauf en région côtière. Une exploitation massive des sables du littoral s'est développée suite à une réglementation très rigoureuse dans le lit des fleuves (La Loire par exemple). La forme de leurs grains est arrondie. Ils contiennent des débris de coquillage.

Le sablon

Ce sable de carrière, trop fin pour la construction, est utilisé comme abrasif.

Extraction

Micro-carrière de sable argileux
Les activités extractives occupaient une place importante dans l'économie des régions. Autrefois dispersées dans une multitude de petits "trous", d'où, peut-être, le nom de "sable à lapin", l'extraction est maintenant concentrée dans un certain nombre de grosses carrières dont la notoriété, pour la plupart, dépasse l'échelle régionale.

La production des sables s'est surtout développée après la seconde guerre mondiale. Jusqu'aux années 1970, les ressources en sable semblaient ne jamais pouvoir se tarir. Mais nous sommes entrés dans une ère de grande consommation avec la construction, par milliers de kilomètres, de voies routières à grand gabarit, de ponts, de centrales nucléaires, de grands édifices bâtis avec la technologie du béton.

L'exploitation intensive de ces ressources minérales (non renouvelables) laisse entrevoir un épuisement à brève échéance. "Le sable est devenu la deuxième ressource la plus consommée dans le monde après l'eau". Voilà pourquoi les schémas départementaux de carrières sont si contraignants. Malheureusement ils pénalisent les petites exploitations de sables ou de pierre. Or, s'agissant d'intervenir sur des constructions anciennes, tous ces matériaux naturels du gros oeuvre, qui ont été tirés du sol à échelle humaine jusqu'à la révolution des transports avant le milieu du XIXe siècle, doivent, sans tarder, faire l'objet d'une plus grande attention.

Les solutions ne sont pas dans le gigantisme des carrières actuelles, qui nous enlisent sous l'uniformité, mais dans la création ou la conservation de sites d'extraction plus modestes. Une grande variété de roches adaptée à la construction et la restauration des édifices de proximité pourrait, ainsi, être disponible.

La conservation du patrimoine bâti ancien, qu'il soit civile, religieux, savant ou paysan, passe obligatoirement par la conservation et la création de ces sites, en accord avec les plans d'aménagement écologique.

Utilisation en maçonnerie

Les sables ont une influence importante sur la qualité des mortiers et en particulier sur la pérennité des enduits. Selon la nature de leurs éléments, les sables, comme les pierres, ont des destinations variées dans le bâtiment. Louis Vicat, le célèbre ingénieur français, grand spécialiste des chaux de construction et des mortiers, l'a démontré en proposant un classement préférentiel des sables en fonction des liants qu'il utilisait à l'époque :

Avec les chaux naturelles grasses et très grasses (c'est-à-dire très peu hydrauliques) :

  1. Les gros sables (de 3 à 6 mm)
  2. Les sables moyens mélangés
  3. Les sables fins (< 3 mm)

Avec les chaux hydrauliques et les ciments, à l'inverse, arrivent en tête :

  1. Les sables fins (< 3 mm)
  2. Les sables moyens à grains inégaux (mélange de gros sable avec du sable fin ou de sable fin avec du gravier)
  3. Les gros sables (de 3 à 6 mm)
Sable dans un enduit

Son explication est la suivante : la faible résistance mécanique des chaux aériennes (grasses et très grasses) oblige à choisir des sables de granulométrie élevée et bien répartie. C'est évidemment tout le contraire avec les chaux éminemment hydrauliques qui ont des performances mécaniques mieux contrôlées.

De tout temps, nous constatons que les sables à grains inégaux et ronds ont été les plus utilisés par les maçons (simplement en effectuant manuellement le tamisage des sables naturels à l'aide de claies). Le tamisage et le lavage industriels ont complètement bouleversé ces pratiques artisanales ancestrales et cette production industrielle peut difficilement répondre aux exigences que réclament les mises en oeuvre traditionnelles.

Comment choisir son sable à bâtir ?

A l'heure actuelle, nous pouvons encore choisir entre deux roches meubles : les sables naturels purs ou préparés, c'est-à-dire tamisés et lavés, ou les sables artificiels (roches concassées).

Les sables purs, non commercialisés, sont rarement employés de nos jours. Certains maçons, soucieux d'être au plus près des savoir-faire des anciens, ont quelques petites sablonnières en réserve. Nous nous tournons, le plus souvent, vers des sables naturels commercialisés qui sont, en général, préparés (lavés et tamisés). Certaines carrières peuvent vendre des sables purs prélevés directement de la couche sédimentaire. Mais encore faut-il le réclamer haut et fort !

Les points essentiels à connaître pour pouvoir choisir un sable naturel à bâtir sont :

  • La composition minéralogique dominante. Les grains de quartz sont les plus recherchés.
  • La granulométrie : une bonne répartition des éléments, de différents diamètres, est recommandée. Plus les sables sont fins et la granulométrie régulière, plus le dosage en liant est important. Cela peut engendrer des fissurations importantes. A l'inverse, une granulométrie hétérogène assure la solidité de l'enduit car elle permet une meilleure adhérence du liant aux grains et ainsi des grains entre eux. Le mélange dépend de ce que l'on peut trouver chez le marchand mais aussi de l'usage que l'on veut donner à l'enduit. Pour un enduit extérieur, on mélangera de préférence des sables dont la granulométrie s'étagera de 0.2 à 0.4 mm. Pour les soubassements ou un rocaillage, on peut aller jusqu'à 0.5, 0.8 ou 1.0 mm. Pour un enduit intérieur, on prendra un sable plus fin (moins de 0.2 mm) qui permettra de faire un enduit bien lissé.
  • L'aspect et la forme des grains de sable : à l'aide d'une loupe, il est facile de distinguer les émoussés-luisants, usés à la suite d'un long frottement avec le roulement ; les ronds-mats, usés à la suite de chocs dans l'air sous l'effet du vent ; les non-usés.
  • Le degré d'humidité : pour bien maîtriser le dosage d'un mortier, il est essentiel de tenir compte du foisonnement toujours possible du sable.

Où se procurer du sable ?

Chez un fournisseur ou une carrière de proximité. Les anciens construisaient avec des matériaux locaux, issus de petits gisements proches de sable, d'arène granitique. Prélever quelques mètres cubes ne posait pas de problème et il suffisait d'en demander l'autorisation au propriétaire. Ces gisements existent encore souvent, cachés dans des bois ou localisables par un ressaut ou une dépression dans un pré. Il est possible de les retrouver en demandant aux anciens, ou par la microtoponymie, outil précieux (les carrières, l'arénier, le creux, le crot, les fossés, les gravelles, les sablières, la sablonnière, etc.). S'il s'agit de carrières abandonnées, il est possible de les remettre en exploitation moyennant une déclaration en préfecture, avec des démarches et des coûts réduits.

Avant de vous lancer dans l'extraction du sable sédimentaire (appelé sable à lapin) que vous avez repéré sur votre propriété, sachez que l'exécution de ce projet est peut-être soumise à autorisation. En effet, les articles R.161-16 et 17 du code rural indiquent :
"L'exécution de toute excavation de quelque nature qu'elle soit doit faire l'objet d'une déclaration préalable en mairie dès lors que la distance qui la sépare de la limite du chemin est inférieure à cinq mètres ou à cette distance augmentée de un mètre par mètre de profondeur ; au-delà de dix mètres, il n'y a pas lieu à déclaration."
Si votre projet n'entre pas dans ce premier cas de figure, mais plutôt dans celui d'une mini-sablonnière, vous devez obligatoirement retourner à la mairie qui vous accordera une autorisation :
  • Si votre site d'extraction n'est pas à proximité des fossés des chemins ruraux ;
  • S'il porte sur une surface n'excédant pas 500m² ;
  • Si l'extraction est effectuée par vous-même pour votre usage personnel ;
  • Si le site ne porte pas sur des terrains de l'Etat où se trouve le lit d'un cours d'eau même non domanial ;
  • Si votre site est à plus de 500 mètres d'une carrière déjà en place.

Une fois que vous avez l'assurance de pouvoir utiliser le sable de votre propriété, il est préférable de l'identifier, et, au besoin, de le tester. Cela permet de savoir pour quel usage le sable est bon : mortier de fondation, mortier de construction, mortier d'enduit extérieur et intérieur, fondation de pavage ou de chemin, remblais divers (drainage des eaux de pluie, des eaux usées).

Bibliographie

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BISTON V. (1836) Manuel théorique et pratique du chaufournier, Librairie de Roret

BOUSSAGEON B. et F.-X. (1996) L'exploitation des carrières, Editions Eska

FERET R. (1896) Essai de divers sables pour les mortiers

FOUCAULT A., RAOULT J.-f. (2001) Dictionnaire de géologie, Editions Dunod

GUILLEMOT J. (1986) Eléments de géologie, Editions Technip

HERNANDEZ J. (2017) Du danger de jouer avec le sable, Revue Maisons Paysannes de France, 3ème trimestre, n°205

Ouvrage collectif (1998) Les sables dans les enduits à la chaux, Association Tiez Breiz

Ouvrage collectif (1995) Techniques et pratiques de la chaux, Ecole d'Avignon

PONTVIANNE C. (2004) Les sables : roches meubles à bâtir, Revue Maisons Paysannes de France, 1er trimestre, n°151

VICAT L. (1962) Travaux publiés à l'Imprimerie nationale

RAUCOURT M. (1930) Etude et composition des sables