Toit de chaume

De Maisons Paysannes de France

Le terme "chaume" concerne toute toiture végétale faite de paille de blé, de seigle, de jonc, de roseau, de genêts ou de bruyère. Le mot "chaumière" évoque l'image d'une maison plutôt modeste et ancienne. Pourtant, les constructions disposant d'une telle couverture ont souvent de nombreux avantages et peuvent être associées à un mode de vie de qualité, confortable, sans oublier leur richesse esthétique et leur charme rural.

Un temps remplacé par de l'ardoise, des tuiles ou de la tôle, notamment depuis le début du XXème siècle, le chaume couvre encore des maisons paysannes restaurées et suscite à nouveau l'intérêt dans la construction contemporaine. Il présente en effet de nombreux avantages thermiques, économiques et de résistance dans le temps. Malheureusement aujourd'hui, peu nombreux sont les artisans, appelés chaumiers, qui en pratiquent la pose.

Avantages du chaume

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Recueil technique Toitures végétales

Retrouvez dans ce recueil tous les articles de la revue Maisons Paysannes de France relatifs à la toiture végétale.

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Le chaume a la capacité de s'adapter à tout type de climat et peut s'associer à plusieurs matériaux comme la pierre, le torchis, le pisé ou encore le pan de bois. Cette adaptation explique en partie sa présence dans différentes régions françaises. Étanche à de multiples techniques de pose, il résiste aux intempéries, au feu, ainsi qu'aux tempêtes.

Avec une masse moyenne de 20-25kg/m² pour le genêt, 25kg/m² pour la paille, de 35kg/m² pour les roseaux, le chaume s'installe sur une charpente légère qui ménage ainsi des combles plus spacieux et qui se révèle moins coûteuse. Dans le cadre d'une restauration, il s'adapte également aux charpentes qui peuvent être irrégulières. Il suffit pour cela de rattraper les défauts de la couverture en réglant l'épaisseur du chaume.

Très bon isolant phonique, il est aussi un bon isolant thermique, étant frais en été et chaud en hiver. Il n'est donc pas nécessaire, comme avec d'autres revêtements de toiture, d'y installer une laine d'isolation complémentaire.

Enfin, l'installation d'un toit de chaume n'est pas forcément onéreuse et il est possible d'obtenir un bon rapport qualité-prix en comparaison avec d'autres système de couverture.

Composition et pose

Le toit de chaume, suivant la région où il est installé, présente une composition différente. On peut en trouver de trois types: en paille, en roseaux ou en genêts et chaque matériau requiert une pose spécifique. Les toitures de chaume ont souvent une forte pente (60°) afin de faire face à tous les vents, que la pluie y glisse et que la neige ne s'y accumule pas. Bien que la paille noircisse avec le temps et les intempéries, elle ne pourrit pas.

Chaumier au travail. Il étale les cluis de chaume.

Photo Eric Sogny ©

Paille

Il existe différents types de pailles servant à la construction d'un toit de chaume. La paille de seigle est celle qui est utilisée le plus fréquemment notamment pour sa facilité d'emploi et sa masse bien inférieure à celle du blé.

Autrefois cultivé en abondance en Auvergne et dans le Limousin pour la farine, le seigle servait également à recouvrir les toits de maisons paysannes, où l'on appréciait ses qualités de solidité, d'imputrescibilité, de souplesse et de résistance dans le temps. On retrouve également ce type de couverture dans le Nord-Cantal et en Haute-Corrèze.

Le seigle étant moins cultivé qu'autrefois, l'approvisionnement des chaumiers est aléatoire. C'est pourquoi l'entreprise Arts et Traditions du Chaume s'intéresse aux producteurs pouvant en fournir de manière continue. Il subsiste en effet des cultures de seigle traditionnel en Corrèze, dont les terrains acides sont favorables à leur exploitation. C'est d'ailleurs de cette région d'où provient la grande partie de paille de seigle.

La tige de seigle utilisée pour le chaume, haute de 1,40m à 1,80m, est fine et très souple, ce qu'il fait qu'elle ne se brise pas. La paille possède un fort pouvoir isolant car sa tige tubulaire divisée par plusieurs nœuds y emprisonne de l'air.

La paille de seigle sera assemblée en gerbes épaisses appelées cluies pour être directement appliquées en toiture. Celles utilisées en haute-montagne seront néanmoins plus épaisse afin d'offrir une meilleure isolation et seront d'un diamètre minimum de 40cm.

Façonnage de la couverture

Espaja vue de dessus.

Photo Guy Chappe ©
La pose d'une couverture en paille et les outils utilisés pour son façonnage sont toujours similaires à ceux employés autrefois. Elle se fait manuellement par le couvreur, qui ne recourt à aucune machine électrique susceptible de transformer le matériau. Bien que la pose suive un protocole classique, il arrive que l'esthétique de la couverture de chaume diffère suivant la région, le bâtiment qu'elle recouvre et les finitions choisies. Il y a notamment diverses façons de réaliser un faîtage (aussi appelé "lo vesclo"), ainsi que les extrémités de la couverture donnant sur les pignons.

Le chaumier, installé sur une échelle, porte tout d'abord plusieurs cluis de paille sur le toit. Il en étale un premier en commençant au bas de la charpente sur la largeur d'une travée. La paille sera maintenue avec une baguette de noisetier posée dessus puis fixée sur des lattes avec un fil de fer fortement serré aux extrémités et au milieu.

Une deuxième rangée de paille étalée recouvre la première en étant légèrement décalée vers le haut. L'artisan tapote ces cluies superposées avec une planche de bois rainurée disposant d'une poignée appelée l'espaja (ou espouge, si l'outil est plus large). Cela permet d'aligner la paille et de donner une inclinaison à l'ensemble. Il continue la pose en superposant un nouveau cluis par dessus et ainsi de suite jusqu'à remplir la première travée de la charpente.

Le couvreur commence ensuite la deuxième travée suivant les même étapes. Il fait attention de maintenir le chaume posé précédemment en piquant une baguette dedans de manière à éviter qu'il y ait un trou entre les travées.
Pose du chaume par un couvreur utilisant une espouge. En arrière plan, le faîtage est entrecroisé.

Croquis de Pierre Moreau ©
Une fois que les deux versants du toit sont couverts de chaume, il reste la réalisation du faîtage, qui peut être fait de plusieurs manières suivant le chaumier et la demande du maître d'ouvrage. Il est par exemple possible de plier simplement des bottes de paille en leur milieu et de les maintenir avec des baguettes de noisetier à ses extrémités. Les bottes peuvent être également entrecroisées ou nouées entre elles puis posées à cheval sur le faîtage, créant ainsi une "crête" de paille. Elles seront maintenues également par des baguettes en bois sur les deux versants du toit.

Enfin, les extrémités de la couverture côté pignon peuvent être réalisées de deux manières. Si le pignon est "en escalier", le chaume vient juste se tasser contre l'intérieur du mur mais ne le recouvrera pas. Cependant, si le pignon est régulier, le chaumier recouvre l'extrémité de la charpente de plusieurs ballots de paille appelés "moraines", d'une épaisseur de 30cm et qui reposeront sur le mur pignon et assureront l'étanchéité.

Roseau

Détail de l'intérieur creux des roseaux offrant une bonne isolation. Photo Jean Peyzieu ©
Tassage du roseau en toiture avec l'espaja

Photo Jean Peyzieu ©

Le roseau (Phragmites australis) est une des plantes les plus utilisées pour la conception de couverture de toit. Répandu depuis les années 1960 en France, son exploitation se fait principalement en Camargue, mais on en trouve aussi dans les baies de Seine, de Somme et de la Brière. Depuis 1995, l'Association des professions liées à l’exploitation et transformation du roseau en Camargue et Petite Camargue réglemente d'ailleurs l'exploitation des roseaux camarguais.


Poussant naturellement sur les sols argileux ou tourbeux des roselières, le roseau (appelé aussi la sagne) recouvre le tiers des zones humides de la Camargue. Ses tiges jaunes sont coupées de novembre à mars/avril par des sagneurs puis séchées avant d'être ensuite envoyées dans d'autres régions françaises (notamment en Normandie) mais aussi à l'étranger, pour la réalisation de toiture.

Ininflammables, imputrescibles, imperméables et isolants, les roseaux représentent un matériau de choix pour la réalisation de toiture.


Façonnage de la couverture

Le chaumier installe sur le toit des paquets de roseaux aussi appelés "manons", dont les rangs se chevauchent au deux tiers. Il faut compter quatre manons pour obtenir une épaisseur de 40cm.

Dans le Marais vendéen, le couvreur fixe des nattes de jonc tressé sur les liteaux de la charpente. Les paquets de roseaux y sont déposés pieds vers le bas puis sont répartis et tassés sur la toiture. Ils sont ensuite joints avec un lien végétal (osier, jonc,...) au bout duquel se trouve une cheville qui sera fixée dans la charpente. Les roseaux sont ensuite uniformisés avec une palette et aplanis.

Genêt

Le genêt est un arbuste qui se présente sous forme de buisson touffu aux branches serrées pouvant atteindre 2 à 3m de hauteur. On en trouve dès 900 mètres d'altitude sur des terrains siliceux ou granitiques, les bois peu touffus, les landes et pâturages secs. Les couvertures sont réalisées le plus couramment avec le genêt à balais (Cytisus scoparius) appelé aussi genêt d'or ou bien avec le genêt purgatif (Cytisus oromediterraneus) qui bien qu touffu, ne comporte qu'une seule tige.

Dans le Mézenc, le genêt purgatif est cueilli entre le 15 septembre et le 15 avril avant la montée de sève. Mis en place encore vert, il possède une certaine souplesse.

Les chaumes en genêts se trouvent particulièrement dans les constructions du Haut-Vivarais (Ardèche), mais aussi dans le Parc naturel régional du Haut-Languedoc (Occitanie) où les terres sont pauvres et l'exploitation du seigle difficile. Le genêt, plante abondante dans ces régions, ne coûte rien et sert de ressource principale pour les couvertures de toit en chaume.

Une couverture en genêt offre une étanchéité à la pluie mais pas à l'air, ce qui permet d'éviter la condensation et de conserver la charpente.

Façonnage de la couverture

Tressage du genêt en toiture.

Croquis Pierre Moreau ©
Toiture en genêt de la ferme de Clastres située à Saint-Eulalie (Ardèche)

Photo Association LIGER ©

La pose du genêt en toiture est une tâche longue et plutôt ardue, ce qui implique un coût plus élevé par rapport aux autres matériaux utilisés pour le chaume. Suivant les régions, le façonnage de la couverture se fait de différentes manières et avec des espèces de bois diverses.

Dans le Parc naturel régional du Haut-Languedoc, les bâtiments protégés recouverts de chaume sont par exemple réalisés avec des perches de hêtre clouées sur les chevrons, entre lesquelles sont ensuite tressées les branches de genêts. En Ardèche, dans le massif du Mézenc, un canevas est quant à lui réalisé avec des branches de châtaigner nouées perpendiculairement aux chevrons de la charpente du toit. Les longues ramures du genêt sont ensuite entrelacées en les serrant fortement sur cette ossature. Les petites houppes épaisses de la plante sont ensuite piquées dans la couverture. Il en résulte dans les deux cas une toiture dense et épaisse, similaire à un tapis.

Les fermes les plus modestes sont revêtues de cette couverture mais de plus en plus ce matériau est revalorisé pour des constructions plus importantes. La ferme de Clastres, située en Ardèche, a notamment été rénovée en 2014 et est l'exemple d'une restauration réussie de toiture en genêt.

Entretien

Une toiture en chaume, contrairement à d'autres types de couvertures, se révèle solide et peut durer entre 30 et 50 ans si elle est bien entretenue régulièrement. Il est recommandé de la gratter au sécateur afin de la démousser, ce qui s'avère être une solution rapide et peu coûteuse. Le nettoyage à haute pression d'eau est quant à éviter puisqu'il occasionnerait des dégâts à la toiture.

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