Pigeonniers et colombiers

De Maisons Paysannes de France
Le pigeonnier est un édifice ou une partie d’un bâtiment servant à abriter et élever des pigeons
Pigeonnier situé à Calvignac, Bas-Quercy (Lot).


Pigeonnier à ressaut intégrant une grille d'envol en bois entre les deux parties du toit. Arêtes du toit couronnées de six épis de faîtage en pierre. Randière (bandeau de pierre) permet d'éviter l'intrusion des rongeurs.

Les murs en maçonnerie étaient autrefois recouverts d'un enduit plein et orné d'un bandeau badigeonné à la chaux qui servait de repère aux pigeons. Ce type de pigeonnier se trouve également dans le Haut-Quercy mais aussi surtout dans le Tarn-le-Garonne et le Gers.

Photo J.-P. Nouveau © Maisons Paysannes de France, délégation du Lot.

Autrefois privilège de la noblesse, le pigeonnier était édifiée sur un domaine, isolé à proximité des châteaux ou des logis ou compris dans les bâtiments de la propriété. Son importance et ses décors symbolisaient la puissance d’un fief.

Suivant les époques, les régions, ou son architecture, le pigeonnier peut également être appelé « colombier », « fuie », « volet » ou « volière ».

Symbole de privilège

Charpente d'un pigeonnier dans l'Indre couvert de tuiles plates et percé d'une lucarne. Les boulins sont compris dans l'épaisseur des murs et accessibles par une échelle tournante.

Photo Tony Marchal © Photothèque Maisons Paysannes de France.
Le pigeonnier était un symbole de prestige et de rapport, considéré comme « une des pièces de la maison de campagne [apportant] le plus de profit »[1]. Fournissant des pigeonneaux et des œufs pour la consommation du propriétaire ou pour la vente, on y récupérait aussi la colombine (déjections des pigeons riche en azote) pour l’utiliser comme engrais dans les cultures.

Un droit de colombier, proscrit sur toute « terre de roture »[2], était accordé sauf exceptions aux seigneurs haut-justiciers ou aux non haut-justiciers possédant plus de 50 arpents de terres. Cela leur permettait de construire un pigeonnier à pied (isolé, avec rez-de-chaussée). Ceux qui disposaient de terres dont la superficie était moindre ne pouvaient avoir qu’une sorte de volière ou grenier fermés par un volet ou bien un pigeonnier sur piliers, ne contenant que quelques pigeons domestiques.[2]

Contrairement au reste de la France où le droit de colombier n’est accordé qu’aux nobles, il est possible dans le Limousin, à toute personne ayant reçu une autorisation seigneuriale, de construire un colombier à pied avec boulins jusqu’au sol.

Après la destruction du régime féodal du 4 août 1789[3], les droits exclusifs des fuies et colombiers ont été abolis. Dès lors, de nouveaux ouvrages de taille et de formes diverses, certains très travaillés, sont apparus tout au long du XIXème siècle pour y accueillir des oiseaux.

Diverses appellations

Pigeonnier de la Ferme du Logis, situé à Bourgtheroulde (Eure).
Imposant pigeonnier en briques avec randière, corniche et chaînage d'angle en pierre. Décors en briques vernissées et encorbellement travaillé. La toiture conique couverte de tuiles plates est percée de deux lucarnes en brique et pierre et surmontée d'un lucarnon à épi de faîtage en forme de pigeon.

Photo Maisons Paysannes de Normandie © Délégation de l'Eure.
Il existe différents termes pour désigner les édifices destinés à l’abri ou à l’élevage des pigeonneaux et le sens de ces appellations peut varier en fonction d’une époque, d’une région ou d’une architecture.
Pigeonnier de la Prade à Vic-sur-Cère;
Bâtiment de forme hexagonale aux murs de pierre reposant sur un plancher en bois. Il est juché sur six piliers en pierre chanfreinés. Les encadrements des ouvertures sont en bois. La toiture pentue est couverte de lauzes de schiste et percée sur un pan par une lucarne.

Photo Henri Sabatier © Maisons Paysannes de France, délégation du Cantal.
Au XVIIIème siècle par exemple, seul le colombier à pied est considéré comme colombier tandis que le pigeonnier désigne les ouvrages plus modestes comme les fuies ou les volières. A la même époque, la fuie (ou fuye) peut aussi bien désigner une volière dont l’ouverture peut être fermée par un volet, qu’un édifice sans couverture où vivent des pigeons plus sauvages. Ce type de construction aurait été plus présente en Beauce.[1]
Porche à clocheton de la grange de Sagnabous avec pigeonnier intégré.

Photo Henri Sabatier © Maisons Paysannes de France, délégation du Cantal.
Aujourd’hui, le colombier est un terme synonyme du pigeonnier mais se rapporte particulièrement aux tours rondes des communs des châteaux et des manoirs[4]. Une fuie désignera plutôt un trou sur une façade dans lequel l’oiseau peut entrer ou simplement un ancien pigeonnier, notamment dans le Bas-Poitou ou en Charente-Maritime.[5]

Architecture

L’architecture des pigeonniers varie selon les régions ou le domaine où ils sont construits. Pourtant, des éléments communs peuvent être relevés sur ces constructions.

Différents types

Pigeonnier cabane à les Escarits (Haut-Quercy).

Ouvrage en pierre sèche avec toiture en lauze légèrement campaniforme, reposant sur une voûte en encorbellement classique des Causses du Haut-Quercy.

La partie inférieure servait de remise tandis que la partie accueillait les pigeons.

Photo Maisons Paysannes de France © Délégation du Lot.
  • Pigeonnier à pied : construction isolée de section ronde (tour) ou à base carrée, triangulaire ou octogonale. 

Ces pigeonniers étaient réservés à la noblesse disposant d’un droit de colombier. Les nids, appelés aussi boulins, étaient arrangés sur toute la hauteur intérieure de l’édifice.

  • Pigeonnier sur piliers

Ce type de pigeonnier était accordé à l'époque féodale à des propriétaires dont les terrains étaient inférieurs à 50 arpents.

Les piliers permettent aussi de repousser les prédateurs.

Ce type

  • Pigeonnier sur colonnes
  • Pigeonnier sur porche

Le porche, signe d’opulence, marque l’entrée dans une propriété. Elle comporte un colombier sous sa toiture et dispose généralement d’un nombre limité de boulins facilitant l’entretien par les propriétaires. Ce type d’ouvrage n’était pas

  • Pigeonnier incorporés sur l’habitation ou sur un bâtiment avec quelques trous à hauteur du grenier (appelé aussi pigeonnier domestique ou fuie).

Après 1789, ce type d’ouvertures extérieures se développent en façade des habitations et leur nombre est révélateur des moyens financiers des propriétaires ou de leur possession de terres céréalières.[6]

  • Pigeonnier tourelle

Construction de forme carrée ou ronde s'intégrant au milieu ou à un angle de la propriété. Ce pigeonnier est un peu plus haut que les bâtiments qui l'entourent.

Emplacement

Le pigeonnier situé sur une propriété, se trouve souvent éloigné de l’habitation. Il peut être indépendant ou compris dans un ensemble de bâtiments. La construction du pigeonnier en retrait s’explique par les désagréments de bruits et d’odeurs générés par les oiseaux. Inversement, son isolement répondait au besoin de calme des pigeons.[7]

Construit le plus souvent sur terrain sec, il s’oriente vers le sud et contre les vents dominants.

Matériaux

Cet édifice construit en pierre, en pan de bois, en brique ou encore en bauge, est couvert de tuiles plates, d’ardoises ou de lauzes. Suivant les régions, il peut être de pied, sur piliers, colonne ou porche et de forme carrée, ronde, triangulaire ou octogonale. Certaines constructions comportent plusieurs niveaux, parfois divisés pour divers usages (poulailler, remise, habitation,…). 

Boulins dans le cabanon du plan des Coulettes à Puimoisson.

Photo Maisons Paysannes de France ©

Extérieur

Le pigeonnier isolé, de section carrée ou ronde est généralement ceinturé totalement ou partiellement d’une corniche (ou randière) de pierre, de briques, de plâtre ou d’un débord incliné de tuiles. En plus d’empêcher l’accès aux rongeurs (rats, fouines, belettes) qui pourraient manger les pigeonneaux ou les œufs, ce débord a l’avantage d’éviter le ruissellement des eaux de pluie.

D’autres pigeonniers disposent d’un haut soubassement en pierre ou reposent sur des piliers ou colonnes renforçant la sécurité contre les nuisibles.

Ouvertures

Façonnage des boulins avec du torchis posé sur une armature en baguettes de bois brut.

Photo Christian Sutter © Maisons Paysannes de Normandie, délégation de l'Eure.

Le pigeonnier comporte une ou plusieurs fenêtres ou lucarnes par lesquelles entrent les pigeons. Ces ouvertures laissent également passer l’air et le jour dans la construction.

Certains bâtis disposent de volets rabattus le soir pour éviter les attaques de prédateurs. D’autres, pour se protéger des rapaces, comportent des grilles d’envol en bois, plâtre ou pierre, dont les ouvertures sont adaptées à la taille des volatiles.

Une plage d’envol (ou pierre d'envol) servant de perchoir ou facilitant la réception de l’oiseau se trouve généralement devant la fenêtre ou la grille d’envol du pigeonnier.

Organisation intérieure

Les murs intérieurs du pigeonnier disposent de boulins (nids) accueillant chacun un ou deux pigeons. Ils se présentent sous diverses formes : en nids posés simplement sur une structure ou bien façonnés ou compris dans la maçonnerie du pigeonnier.

Les boulins peuvent être réalisés en terre cuite ou avec des tuiles retournées incrustées dans le mur du pigeonnier.  Ils peuvent être aussi compris dans l’épaisseur d’un mur en pierre ou en brique dont l’appareillage aura été étudié pour laisser un creux dans l’épaisseur du mur et que les volatiles pourront occuper.

Autrement, certains boulins sont façonnés directement sur une armature en bois couverte de torchis.

Dans un guide décrivant l’architecture du colombier au XVIIIème, il est d’ailleurs recommandé que les nids « soient plus grands que petits, afin que le mâle et la femelle puissent y tenir debout ».[1]

Généralement, une échelle tournante droite ou courbée vers le haut, attachée à un pivot central, donne accès à toutes les niches afin de récupérer un pigeonneau, ses œufs ou la colombine. Ces trous sont arrangés sur toute la hauteur de l’édifice à pieds ou seulement sur la partie haute, l’espace laissé libre en rez-de-chaussée permettant alors d’accueillir un poulailler ou une remise.

Le nombre de boulins était généralement lié à la surface des terres que possédait le propriétaire.

D’après Jacqueline Fortin, ancienne déléguée des Maisons Paysannes de Charente-Maritime, il fallait un terrain de 36 arpents pour avoir un pigeonnier de 120 boulins. Certains pigeonniers peuvent contenir jusqu’à 3600 boulins.[8]

Bibliographie

  • Art.2 de la loi du 4 août 1789, dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens avis du Conseil d'état, A. Guyot et Scribe, 1834. p.33.
  • BEDON M., Les « derniers châteaux » ou le goût du pastiche, Revue Vieilles Maisons Françaises, n°97, 1983. pp.46-50.
  • DE RAIGNAC G., Porches, fuies et pins pignons : quelques éléments du décor traditionnel des vieilles demeures vendéennes, Revue Vieilles Maisons Françaises, n°97, 1983. pp.53-55.
  • DRAC, Pigeonniers en Limousin, Singularités Architecturales, Inventaire mené en 2007-2008 par la Conservation Régionale des Monuments Historiques, Fiches disponibles à l’adresse : http://mpflimousin.free.fr/documentation.php
  • FERRIERE Claude-Joseph de, Dictionnaire de droit et de pratique. T1, Paris, 1771. p.302.
  • FORTIN J., Les pigeonniers-fuies, une richesse à découvrir, Revue Maisons Paysannes de France, n°98, 4T, 1990. pp.18-21. 
  • GUENOT-LAPEZE M.-C., Survol rapide au-dessus des pigeonniers du Quercy, Revue Maisons Paysannes de France, n°110, 4T, pp.5-7.
  • HENRY S., A la bastide et aux champs, Revue Vieilles Maisons Françaises, n°127, 1983. pp.66-75.
  • LAUZANNE C., Le colombier du manoir de la Vallée, Revue Maisons Paysannes de France, n°153, 3T, 2004. p.7.
  • LIGER L., La Nouvelle maison rustique, ou économie générale de tous les biens de campagne; la manière de les entretenir et de les multiplier, Dixième édition, volume 1, 1772.
  • MAZE J., Quand nos maisons anciennes étaient neuves, Revue Maisons Paysannes de France, n°79, 1T, 1986. pp.4-7.
  • MANNEVILLE P., Des colombiers aux décors remarquables, Regards sur la Seine-Maritime, Revue Maisons Paysannes de France, n°123, 1T, 1997. pp.17-20.
  • PARC NATUREL REGIONAL DU VERDON, A la découverte cabanons et pigeonniers du plateau de Valensole, Juillet 2014. Disponible à l’adresse : https://parcduverdon.fr/sites/default/files/pnrverdon/pdf/2014_livret_cabanons_pigeonniers.pdf
  • SUTTER C., Restaurer en torchis les boulins d’un colombier bourguignon., Revue Maisons Paysannes de France, n°190, 4T, 2013. pp.36-37.
  • THARAN M., Les pigeonniers de Gascogne, Revue Maisons Paysannes de France, n°37, 3T, 1975. pp.18-19.

Références

  1. 1,0, 1,1 et 1,2 LIGER L., La Nouvelle maison rustique, ou économie générale de tous les biens de campagne; la manière de les entretenir et de les multiplier, Dixième édition, volume 1, 1772. p.14.
  2. 2,0 et 2,1 FERRIERE Claude-Joseph de, Dictionnaire de droit et de pratique. T1, Paris, 1771. p.680.
  3. Art.2 de la loi du 4 août 1789, dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens avis du Conseil d'état, A. Guyot et Scribe, 1834. p.33.
  4. Sutter C., Restaurer en torchis les boulins d’un colombier bourguignon., Revue Maisons Paysannes de France, n°190, 4T, 2013. pp.36-37.
  5. BEDON M., Les « derniers châteaux » ou le goût du pastiche, Revue Vieilles Maisons Françaises, n°97, 1983. pp.46-50.
  6. DRAC, Pigeonniers en Limousin, Singularités Architecturales. Inventaire mené en 2007-2008 par la Conservation Régionale des Monuments Historiques, Fiches disponibles à l’adresse : http://mpflimousin.free.fr/documentation.php
  7. HENRY S., A la bastide et aux champs, Revue Vieilles Maisons Françaises, n°127, 1983, p.72.
  8. FORTIN J., Les pigeonniers-fuies, une richesse à découvrir, Revue Maisons Paysannes de France, n°98, 4T, 1990. p.20.