Badigeon de chaux (Pratique)

De Maisons Paysannes de France

  Voir aussi : Badigeon chaux (Réaliser) 

Laits de chaux et badigeons

 Les différents "laits de chaux" sont le chaulage, le badigeon et l'eau forte. Ce qui les différencie est la quantité d'eau par rapport à celle de chaux.

  • Le chaulage par exemple 1 ou 2 vol d'eau pour 1 vol de chaux est très épais et il est difficile de le colorer.
  • Le badigeon : de 3 à 5 vol d'eau pour 1 vol de chaux, plus il y a de chaux plus les couleurs seront claires (pour la même quantité de pigment un badigeon à 3 vol d'eau sera plus pâle que celui à 5 vol d'eau). 
  • L'eau forte contient peu de chaux : de 6 à 10 vol d'eau pour 1 vol de chaux, peut servir à obtenir une couleur plus vive en le passant en dernière couche sur un badigeon par exemple ou pour donner une patine à une pierre trop neuve (lors d'un raccord par exemple , car on garde alors la texture de la pierre, l'eau forte n'est pas couvrante )

Avantages des badigeons de chaux

 C'est un procédé très économique et hygiénique. Il servait autrefois à peindre les murs intérieurs ou extérieurs, et même les poutres et plafonds. Le lait de chaux servait également à la conservation des enduits et du torchis ou à unifier les différences de tons laissées par des raccords. Il faut savoir que le badigeon au lait de chaux rend difficile l'application d'une autre peinture sans décapage complet.

« Ce badigeon, nous le passions à l'intérieur ET à l'extérieur de la soue à cochons ainsi que sur le pourtour extérieur du four à pain en entretien régulier tous les ans ou tous les 2 ans (selon la météo). » Catherine Manceau

Pourquoi du savon noir dans les badigeons ?

 L'ajout de savon noir en faible proportion dans le badigeon permet de rendre celui-ci plus facile à appliquer, Il rend l'enduit beaucoup plus souple à la pose. Il apporte aussi un pouvoir aseptisant contre les insectes. Enfin, une fine couche de savon appliquée sur le badigeon rend celui-ci moins perméable à l'eau.

Pour certains, il n'est pas utile de mettre du savon noir dans un badigeon, en particulier avec de la chaux aérienne dont la protection sera totale, une fois la réaction de calcification faite. Le savon noir va servir plutôt dans un enduit à la chaux, il améliore la liaison entre la chaux et les pigments naturels, il sert également à améliorer le ferrage de la chaux dans certaines techniques.

On trouve aussi dans la littérature ou les conseils d’artisans qui trouvent le savon noir trop gras et préfèrent l’ajout de savon liquide (Teepol). 

 Le farinage (poudrage)

Pour éviter le farinage (dépôt sur les mains ou les vêtements), il convient d’utiliser un fixateur, le plus souvent de la caséine, du lait demi-écrémé ou une résine acrylique.

Remplacer 1/4 de l'eau par du lait écrémé, la caséine que contient le lait, va augmenter la tenue de la chaux.

Mais aussi… bière, blanc d’œuf , sel d’alun, voir urine !

En intérieur, sur de la pierre de taille (tuffeau) ou des moellons, la recette suivante a été utilisée dans le Maine-et- Loire, avec efficacité.

Dans un pulvérisateur :

  • Mettre 5 litres d'eau et une poignée de colle à tapisserie genre 'Quelid'.
  • Secouer un peu pendant quelques minutes et appliquer sur les murs, toutes fenêtres et portes ouvertes, séchage rapide. Protéger le sol et bien rincer le pulvérisateur !

Outre les recettes précédentes il faut aussi :

  • Ne pas travailler au-dessus de 25°, la chaux sèche trop vite et n'a pas le temps de faire sa carbonatation.
  • Pulvériser un peu d'eau sur le mur pour retarder la carbonatation.
  • Ne pas employer une chaux dont l'emballage est ouvert depuis longtemps, surtout dans le cas de chaux aérienne. 
    Un exemple de décoration de mur en patine à la chaux sur badigeon chaux réalisé par M. André Mercuzot. Crédit : André Mercuzot

Patines sur badigeon de chaux

Un autre moyen élégant de protéger le badigeon sont les “patines “ réalisées avec de la caséine (issue du lait), du blanc d’œuf pour les plus courants, ces patines se comportent comme un vernis mat.

Elles ont l’avantage de pouvoir intégrer aussi du pigment (très légèrement) qui donneront des effets décoratifs, souvent inattendus, toujours superbes mais il faut faire impérativement des essais sur des chutes de Placoplâtre !

Sur le bois, il est préférable de remplacer la chaux par de la colle de peau de lapin (vendue en grains) bien plus adaptée à ce support.

Un univers entre des pratiques de type « bâtiment » et les arts décoratifs absolument passionnant ! 

Réalisation d’un badigeon (techniques transmises par les délégations de MPF)

Technique de l’École d’Avignon telle que pratiquée par la délégation des Alpes de Hautes Provence

Utiliser de la chaux aérienne grasse en pâte ou en poudre de St Astier. La chaux hydraulique NHL est peu utilisée en peinture car elle fait sa prise trop vite ()  

 Le badigeon à la chaux se « pose » avec une grosse brosse, ne s'étale pas, ne s'étire pas, il n’est donc pas indispensable d'utiliser du savon noir. 

La chaux est un puissant antiseptique et n'a pas besoin d'un autre adjuvant pour cela il était traditionnel de chauler dans les étables pour les assainir.  Il est d'ailleurs nécessaire de se protéger (mains et yeux) quand on utilise de la chaux ! 

Un badigeon à la chaux doit : 

  1. être posé sur un support adapté c’est à dire un enduit à la chaux, support qui accroche et qui est absorbant (jamais sur du plâtre ou du ciment par exemple (voir badigeon sur ciment ou plâtre)
  2. ce support doit être mouillé avant chaque application (c'est un peu fastidieux mais c'est le secret pour que cela ne farine pas !
  3. penser à bien mélanger le badigeon très régulièrement pendant la pose.
  4. ne pas travailler s'il fait trop chaud ou froid ou s'il y a beaucoup de vent (pour l'extérieur) 

Ceci est la méthode traditionnelle de pratique de la chaux à l'école d'Avignon.

Nous conseillons un petit stage de savoir-faire sur la chaux à demander à votre délégation Maisons Paysannes ou à l'école d'Avignon

Technique de la délégation de Charente-Maritime

  • Délayer 1 sac de 25 kg dans 40 litres d'eau.
  • Préparation du mur

Brosser, dépoussiérer, gratter les saillies, boucher les trous avec un mastic fait de plâtre et de poudre de pierre pour la pierre, ou selon les supports, mastic, plâtre, etc…

  • Application de la première couche

Elle doit être très claire. Il faut donc ajouter aux vingt litres précédemment préparés cinq à dix litres d'eau. Employer un pinceau grossier dit "à badigeon". Donner des coups de pinceau toujours parallèlement, dans le sens vertical. Remuer fréquemment le lait de chaux pour homogénéiser.

  • Seconde couche

Elle sera plus épaisse que la première. On peut la teinter. Selon les régions et les localités et selon les besoins, on peut teinter le badigeon avec des poudres. Cette poudre doit être bien détrempée, infusée avent d'être mélangée au badigeon. La teinte éclaircit en séchant ; il faut toujours faire des essais préalables.

Pour la restauration et la construction neuve.

  1. Support
  • Passer sur un enduit fin lissé (sable de rivière lavé et chaux grasse).

A la fresque : badigeonner sans attendre la prise complète du mortier pour faciliter la migration des pigments vers les couches profondes.

Sur un enduit sec : humidifier profondément le sous œuvre

  • Dosage - A la chaux aérienne : 1 kg de chaux grasse pour 1,250 l d'eau ou un volume d'eau pour environ un volume de chaux grasse. A moduler selon l'effet recherché (aquarelle ou glacis).
  • Application : éviter les périodes trop sèches, de fortes chaleurs ou en dessous de 5 degrés.

Deux couches en 24 heures, à la grosse brosse.

Le fond : léger (consistance du lait) avec 4% d'huile de lin. L'huile fait pénétrer et facilite le passage de la seconde couche.

Le glacis : plus épais avec un fixatif (par exemple 4 % de sel d'alun, à diluer dans de l'eau chaude selon la proportion 0,2 kg de sel d'alun pour 0,5 l d'eau). Le fixatif est important pour les couleurs soutenues.

Toujours préparer la veille, bien mixer avec un malaxeur à peinture sur perceuse 

Une « recette » Initiée par J C Misset (Charente-Maritime) dans les années 80

Il s’agit d’une colle de reprise que l’on nomme latex (lancolatex – sicalatex, etc.) cet additif a l’aspect de lait et il suffit d’un apport de 1 à 3 % dans le badigeon et tous les problèmes d’accroche et de poudrage sont résolus Intérieur et extérieur : ce n’est pas très “écolo” mais la quantité étant minime et le résultat assuré, cet additif est utilisé par beaucoup de professionnels.

 Badigeon sur ciment

Un badigeon de chaux ne tient jamais s’il est mis directement sur le ciment. Le ciment a un Ph acide incompatible avec la chaux basique et provoquant une réaction chimique entre eux.

Il n’y a pas d’autre solution que de mettre une couche protectrice genre peinture industrielle entre les deux.

 Badigeon sur plâtre

Il faut prendre en compte la grande avidité d’eau du plâtre, il faut donc détremper totalement la surface à grande eau (à reflux) et avoir un pulvérisateur à portée de main pour remouiller fréquemment.

Ensuite fermer relativement le support en passant une couche diluée de peinture blanche genre monocouche à l’eau ou passer une colle à papier très diluée.

Enfin, mettre davantage de lait ou tout autre produit stabilisant.

On peut aussi ajouter du « rhodocim, ou du sicalatex », mais alors la peinture obtenue ne répond plus aux conditions perspirantes de la chaux, le support est bloqué.

Les badigeons prêts à l’emploi

Dans le cas d’un badigeon prêt à l’emploi (artisanal ou industriel), le préparateur a mis ce qu'il a voulu dans le seau pour un usage donné, donc on doit lui faire confiance et ne rien rajouter.

Si c'est un badigeon contenant déjà divers adjuvants, dont on ignore la nature et les proportions, on comprend que l'on en peut rien faire de plus en connaissance de cause. Si, c'est 100% eau et chaux, on peut adjuvanter selon les recettes traditionnelles.

 Il n’est pas conseillé d’utiliser les produits à la chaux prêts à peindre car on ne connait pas vraiment leur composition et ils contiennent souvent des résines. Il vaut mieux préparer soi-même son badigeon avec de la chaux, de l'eau et des pigments, ce n'est pas difficile, mieux adapté à vos besoins (support, couleur…) et moins cher. 

Etat des murs avant enduit. Crédit : Bernard Fauquembergue

Un exemple de chantier pratique

Cette belle restauration a été exécutée par un membre de Maisons paysannes de France dans le Loir-et-Cher. Elle montre en pratique les difficultés et les satisfactions d’une restauration de maison ancienne, faite par soi-même ou avec l’aide d’un artisan compétent. Un témoignage pédagogique en direct.

 Premier essai. 

Premier essai insatisfaisant pour la couleur et la tenue. Crédit : Bernard Fauquembergue

" Couleur trop foncée, il aurait fallu faire des essais en laissant sécher pour se rendre compte de la couleur. J’ai utilisé une brosse synthétique à papier peint qui ne garde pas le badigeon, il y avait des coulures un peu partout, au séchage le badigeon n’était pas stabilisé, il « farinait » au toucher et se décollait tout seul. Il aurait fallu ajouter un adjuvant. Surtout, je n’avais pas mouillé le mur avant application : la carbonatation ne s’est pas bien faite.

Alors pour réparer tout cela j’ai arrosé le mur avant séchage total du badigeon : catastrophe, des coulures et des irrégularités partout.

J’ai donc décidé de tout refaire après brossage léger de ce premier badigeon. "

Deuxième étape, reprise

" Bonne couleur, brosse en soie naturelle qui ne coule pas, badigeon stabilisé au séchage grâce à l’adjonction de lait écrémé (caséine), et fixateur pour pigment. J’avais bien mouillé le mur et je posais le badigeon sans chercher à le tirer comme une peinture synthétique.

Lors de mon deuxième essai, j’ai utilisé de la chaux CL 90 en pâte : c’est beaucoup plus souple à poser et j’ai utilisé deux fois moins de pigment. La première fois c’était de la chaux NHL 35 en poudre : erreur ! " 

Une seconde couche complètera cette belle réalisation. 

Résultat de la réalisation de la première couche, la deuxième couche suivra prochainement. Noter aussi que les fenêtres de toit seront supprimées. Crédit : Bernard Fauquembergue
Première couche d'un enduit réussi. Crédit : Bernard Fauquembergue

Références

Cette page a bénéficié de l’expertise et des informations des membres de Maisons paysannes de France :

Luc Barré – MPF 75, Régis Bernet – MPF 17, Mireille Cardon - MPF 42, Marie-Claire Driesch – MPF 04, Frédéric Evard – MPF 62, Bernard Fauquembergue – MPF 41, Daniel Goupy – MPF 48, Yvon Hacquet – MPF 76, Jean-François Herlem – MPF 80, Catherine Manceau - MPF 49, Robert Maréchal – MPF 42, André Mercuzot – MPF 21, Stéphane Montagne – MPF 17, Luc Van Nieuwenhuyze – MPF 49, Jean-Louis Paulet – MPF 31, Michel Samson – MPF 84, Dominique Le Villain – MPF 27 

Bibliographie

Raymond Bayard, 1978, Le badigeon à la chaux, Revue Maisons paysannes de France, 48/2.

Jean-François Bertoncello, 2006, Les matériaux naturels, décorer, restaurer et construire, Editions du Rouergue.

Philippe Blondin & Chantal Dulery, 1990, Le badigeon à la chaux, recherche et promotion d’une technique perdue, Revue Maisons paysannes de France, 96/2.

Félicien Carli, 2019, Le petit guide illustré de la chaux, Ed. Terres et couleurs.

Ecole d’Avignon, Techniques et pratique de la chaux, Ed. Eyrolles.

Julien Fouin, 2018, La chaux naturelle, Editions du Rouergue.

Alain Hervé, 2003, Enduits et badigeons à l’ancienne, Revue Maisons paysannes de France, 147/1

Maisons paysannes de Touraine, 2007, Murs, enduits et badigeons.