Griya (plâtre savoyard) : Différence entre versions
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Version actuelle datée du 19 juin 2020 à 07:24
La griya appelée aussi gria (prononcé /ɡʁija/) est un plâtre issu du gypse servant à la maçonnerie et aux enduits du bâti traditionnel savoyard. On le retrouve notamment employé dans le bâti des vallées de Tarentaise et de Maurienne.
Après extraction dans des affleurements locaux de gypse blanc ou rose, cette roche tendre est cuite puis broyée afin d’obtenir une poudre qui sert à la fabrication du plâtre.
La couleur de cet enduit varie du rosé à l’ocre plus ou moins gris ou foncé. La griya peut contenir des particules de charbon de bois restant de sa cuisson artisanale. Pour des raisons économiques ou esthétiques, les paysans ajoutaient parfois du sable à la griya, au détriment de la qualité de l’enduit final.
L’aspect de ce plâtre riche et granuleux varie suivant le broyage et tamisage, ce dernier étant réservé aux travaux les plus soignés (façades sur rue, encadrements et corniches). Le tamisage, en plus d’affiner le grain du plâtre, permet de le séparer de ses particules noires.
La fabrication courante de griya dans des fours communaux a progressivement cessé au XXème siècle notamment vers 1900 au col du Télégraphe, vers 1930 à Notre-Dame-du-Pré et vers 1950 à Saint-Martin-de-Belleville et à Saint-Jean-de-Maurienne.
D’autres appellations sont possibles : griyo, grèya (en franco-provençal : la craie[1]). Ces prononciations locales sont cependant plus rares.
Sommaire
Utilisation
La griya était autrefois utilisée en maçonnerie pour monter les murs ou remplir les pans de bois, faire les embrasures des portes et fenêtres ou enduire les voûtes des caves. Elle était également employée dans les dalles d’étage appelées localement "sordines". Pour cela, des rondins de bois (mélèze ou sapin) étaient sciés en deux puis placés côte à côte avec la partie plane vers le bas en appui sur des poutres. Les vides entre les parties bombées des rondins étaient alors comblés et couverts d’une couche de griya puis des planches en bois étaient posées pour finir le plancher. Dans une grange, les rondins de bois étaient uniquement couverts d’une épaisseur de quelques centimètres d’enduit de griya.
Son utilisation la plus fréquente encore aujourd’hui est dans les enduits de façades, les rejointoiements de pierre, les encadrements et les corniches. Ces dernières, appelées localement "golasses", sont de larges corniches creuses en bois recouverte de griya lissée, de 40 à 60 cm d’épaisseur dont le profil courbe part du mur gouttereau pour rejoindre le dessous du toit.
L’enduit est la plupart du temps appliqué sur une seule couche épaisse pouvant atteindre les 10cm.
Avantages de la griya
- économique : le gypse est accessible et récupérable facilement
- rapide à réaliser : la cuisson du gypse se fait rapidement à une température de 150 à 200°C.
- respirant : le plâtre est poreux ce qui explique sa compatibilité et les murs en pierre et en terre (torchis, pisé,...) mais aussi avec le bois qui reste sec et qui est protégé des prédateurs.
- bonne résistance au feu : la griya était notamment utilisée dans les parties d'habitations et les fenils.
- conservation : la griya en poudre tamisée peut se conserver plusieurs années sans perdre de ses qualités.
A proscrire
Les dégrossis et rebouchage à la chaux hydraulique (même naturelle) ou au ciment qui ne sont n'est pas compatibles avec le bâti en griya.
Fabrication
Après avoir extrait et trié des blocs de gypse, ceux-ci sont disposés dans un four à bois rustique ce qui permet à la roche de perdre son eau et de se transformer en plâtre. Une fois refroidis, ces blocs sont ensuite broyés à la main avec une meule et un piquet ou dans un broyeur mécanique. La poudre récupérée peut être tamisée au sas ou au tamis mécanique afin d’obtenir un enduit plus fin sans résidu de charbon puis est mélangée à de l’eau pour en faire du plâtre.
Atelier griya par les Maisons Paysannes des Pays de Savoie
Un atelier « griya », organisé en 2019 dans le village de Hautecour (Tarentaise) par la délégation des Maisons Paysannes des Pays de Savoie[2] et encadré par un ancien plâtrier ayant employé ce matériau, a permis aux adhérents de se familiariser à cet enduit typiquement savoyard. Pour cela, toutes les étapes de fabrication de la griya ont été réalisées : de l’extraction du gypse à la pioche sur le bord d’une route à sa transformation et son emploi sous forme d’enduit.
Étapes
- Le four rustique est construit avec quelques pierres empilées et des briques réfractaires posées en cercle à même la terre. Au centre, un piquet est placé pour garder l’espace vide qui sert de cheminée. Des morceaux de bois sont placés au fond puis couverts des blocs de gypse superposés. L’espace réservé à la cheminée est ensuite rempli de papier journal et d’alcool à brûler puis le feu est allumé à l’aide d’une allumette.
- Deux heures plus tard, on vérifie la cuisson avec le piquet (appelé aussi cassé) en pilonnant les morceaux de gypse. S’ils tombent en poudre, la cuisson est terminée. On laisse alors refroidir le four et le plâtre pendant quelque temps. Une fois refroidi, le plâtre est prélevé dans le fond du four et si besoin broyé à nouveau manuellement dans un bac puis tamisé afin de le séparer des restes de charbon de bois.
- On y ajoute un peu d’eau ainsi que quelques gouttes d’acide citrique qui retardera la prise. Le tout doit être bien et rapidement mélangé: le plâtre est alors prêt.
Sa mise en œuvre doit être rapide car sa prise l’est également.
Bibliographie
- BARRIOZ C. & P., Atelier de plâtre paysan savoyard : la griya, Revue Maisons Paysannes de France, n°214, décembre 2019. p.15.
- BESSAT H., GERMI C., Lieux en mémoire de l'alpe : Toponymie des alpages en Savoie et Vallée d'Aoste, Programme Rhône-Alpes, Recherches en Sciences Humaines, Ellug, 1993. p.85.
- DESCHAMPS R., La gria, Mémoires et documents de l’Académie de Val d’Isère, Tome XXV, Recueil de communications sur l'histoire régionale, Moutiers, 1996. pp.33-36.
- MAISONS PAYSANNES DES PAYS DE SAVOIE, Atelier Griya à Hautecour (73), le 10 octobre 2019 - Atelier de plâtre paysan savoyard : la griya. Consulté en juin 2020. Disponible à l’adresse : http://rhone-alpes.maisons-paysannes.org/dpt/savoie/atelier-griya-a-hautecour-73-le-10-octobre-2019/
- POTIN M., La gria, Patrimoine de pays, Revue Maisons Paysannes de France, n°165, 3T, 2007. pp.28-31.
Références
- ↑ BESSAT H., GERMI C., Lieux en mémoire de l'alpe : Toponymie des alpages en Savoie et Vallée d'Aoste, Programme Rhône-Alpes, Recherches en Sciences Humaines, Ellug, 1993. p.85.
- ↑ MAISONS PAYSANNES DES PAYS DE SAVOIE, Atelier Griya à Hautecour (73), le 10 octobre 2019 - Atelier de plâtre paysan savoyard : la griya. Consulté en juin 2020. Disponible à l’adresse : http://rhone-alpes.maisons-paysannes.org/dpt/savoie/atelier-griya-a-hautecour-73-le-10-octobre-2019/