Décorations des maisons paysannes dans la Sarthe
Sommaire
Avant propos
Ne sont abordées ici que les façades enduites à la chaux, ce qui exclut les maisons de la vallée du Loir appareillées de parpaings de tuffeau, certains bâtiments de schiste ou de grès dur qui n’étaient pas toujours enduits, notamment aux franges de la Mayenne et les maisons dont le décor est constitué de briques principalement à l’Est de notre département. Ne sont traitées que les maisons paysannes, à l'exclusion des demeures cossues, manoirs ou château.Une coutume ancienne et peu connue: les maisons chaulées
Des maisons dont la façade était entièrement chaulée existaient autrefois dans la Sarthe, à l’image de certaines chaumières bretonnes. Les témoignages sont rares car les badigeons à la chaux sont par nature fragiles, dépendant de la nature et des hommes. On sait peu de choses de cette coutume ; tout au plus peut on dire qu’elle remonte au moins au 17ème siècle et qu’elle a pu se prolonger jusqu’au 19ème siècle.
Les encadrements, portes et fenêtres, étaient soulignés de rouge (Fresnay-sur-Sarthe, René, Saint-Christophe-du-Jambet, Saint-Aubin-de-Locquenay), sans que l’on puisse affirmer que c’était toujours le cas (photo 1).
Les maisons des champs et maisons de bourgs
Les maisons des campagnes et des villages étaient presque toujours décorées de la même façon : un bandeau blanc ou ocre peint à la chaux soulignait la façade sur les côtés et sous le toit, formant comme un rectangle dont il manquerait le côté bas (photo 2). Les pignons pouvaient être soulignés selon le même principe.
Un quart de rond était parfois disposé aux angles de cette décoration, c'est-à-dire à la liaison entre le bandeau horizontal et les retombées verticales (photo 3).
Les ouvertures étaient systématiquement cadrées à la chaux blanche, y compris les ébrasements (photo 4).
Un soubassement était parfois suggéré par un badigeon, une surépaisseur d’enduit ou un faux appareillage (photo 5). Constitué d’un mortier de chaux à l’origine, les soubassements ont très souvent été refaits au ciment.
Blanchir les ouvertures à la chaux, c’était apporter de la pureté et de la propreté, et donc une certaine protection à la maison. Au 18ème et au début du 19ème siècle, peu importaient les matériaux : l’enduit recouvrait entièrement la façade, y compris les pierres d’encadrement et les linteaux en bois, ce qui permettait de tracer facilement le cadre à la chaux (photo 5).
Lorsque les ouvertures étaient faites de pierres de taille ou de briques disposées en léger relief par rapport à la façade, l’enduit venait butter sur l’encadrement qui pouvait être chaulé ou non (photo 6).
Les déclinaisons anciennes et l’évolution des décorations jusqu’au début du 20ème siècle
Les maisons les plus modestes se sont parfois inspirées des plus riches ; ainsi, les angles des façades pouvaient être peints de fausses pierres suggérant la pierre de taille, maladroitement au départ (photo 7), puis de manière soignée par la suite (photo 8).
Certaines maisons paysannes étaient décorées d’un bandeau horizontal à hauteur des linteaux de fenêtre lorsque celles-ci étaient alignées (photo 9).
Le bandeau sous toiture possédait parfois un dessin particulier, par soucis purement esthétique ou pour se distinguer des autres maisons (photos 10, 11 et 12).
Un filet de couleur, rouge, blanc ou bleu, pouvait accompagner les bandeaux et encadrements (photos 13 et 14).
Des enduits de couleur (bleu, gris, vert ou rouge), projetés à la tyrolienne, technique découlant de l’enduit projeté au balai, apparaissent vers les années 1900 (photo 13)
Par la suite, et jusqu’à la seconde guerre mondiale, les décorations se compliquent et se diversifient avec l’arrivée des mortiers bâtards et des ciments naturels ou artificiels. On retrouvera donc fréquemment les éléments décrits ci-dessus, auxquels viendront s’ajouter d’autres éléments décoratifs qui amèneront une grande variété, caractéristique de cette époque (photos 14 et 15).
Si l’on peut regretter l’abandon progressif de la chaux au profit des ciments Portland, dont on connaît maintenant les effets indésirables pour le patrimoine rural, on doit cependant reconnaître que l’évolution des décors s’est faite progressivement en s’inspirant largement des traditions locales. Malheureusement, depuis les années 50, on assiste à la remise en cause presque systématique des ouvertures et des enduits d’origine, souvent dans le but de « faire moderne », par ignorance ou par caprice (goût pour la pierre apparente) , ce qui aboutit à une perte d’identité de notre architecture rurale.
Les décors sont fragiles. Ils s’estompent avec le temps faute d’entretien des façades ou disparaissent lorsque l’enduit qui les supporte est remis en cause. Ce sont des éléments visuellement importants qui doivent être pris en considération lors d’un projet de restauration de façade pour en conserver tout le charme et le caractère.