Restauration du moulin du Bourg à Parcé-sur-Sarthe

De Maisons Paysannes de France
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Prix MPF - René Fontaine 2019

Remise du prix MPF - René Fontaine

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©

Organisés depuis 34 ans par Maisons Paysannes de France avec le soutien de la Fondation du Patrimoine, du Ministère de la Culture, de l’agence Patrice Besse et du groupe TERREAL, les prix René Fontaine couronnent des travaux de réhabilitation, d’extension, d’intégration d’un bâti ancien ou contemporain effectués dans les règles de l’art, selon l’esprit de l’association. Les prix Maisons Paysannes de France, que ce soit dans le « traditionnel » ou dans le « contemporain », sont attribués à des projets qui doivent être originaux sans être provocants, conçus et réalisés selon l’esprit d’une tradition rurale, qui peut être savante ou vernaculaire, mais dont les caractéristiques sont le respect du bâti local, de la mitoyenneté, la considération de l’espace public et la valorisation du paysage. Ces prix ont un rôle éminemment pédagogique. Le prix René Fontaine/ Fondation du Patrimoine a été remis à M. et Mme Monnet le 27 octobre 2019 au carrousel du Louvre à Paris. Maître d'ouvrage : Mme Isabelle CHIARAMONTI-MONNET Architecte du patrimoine: Mme Lucyna GAUTIER ZELINSKA

« Posé sur l'eau précieuse, motrice et nourricière, le moulin du bourg de Parcé-sur-Sarthe que nous restaurons avec patience et passion depuis 9 ans, dans le respect des matériaux traditionnels, conjuguera bientôt son illustre passé céréalier au futur de sa production hydroélectrique ».

Isabelle Chiaramonti-Monnet.
Le moulin en 2006 avant restauration, vu du pont sur la Sarthe.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©

Restauration

Sur la Sarthe navigable en aval du Mans, au sein d'une Petite Cité de Caractère et dans l'entourage immédiat de monuments historiques, le moulin du bourg est construit sur les principes du moulin à l’anglaise. Il s’élève sur 4 étages et possède 3 coursiers correspondants à ses 3 roues. Les fondations datent du Xe et du XIe siècle. Il fallait oser se lancer dans cette importante restauration d’un bâtiment industriel, quelque peu délabré, en lui redonnant sa cohérence et en retrouvant la qualité originelle du bâti. Le choix de détruire un ajout du XXe, de mauvaise qualité, était tout à fait justifié. Le moulin a retrouvé une élégance et son aspect ancien. La démolition de ce bâtiment annexe a mis en évidence d'anciennes ouvertures murées qui ont été rouvertes. Les travaux ont été réalisés entre 2010 et 2016 en collaboration avec l’architecte conseil des Petites Cités de Caractère et l’architecte des Bâtiments de France. Ce grand bâtiment du XIXe, de plusieurs niveaux, rebâti sur des fondations plus anciennes, est typique du patrimoine régional. On retrouve en effet des ouvrages de ce genre, souvent peu entretenus et menacés, sur toutes les rivières importantes de la région (Sarthe, Huisne, Loir, Mayenne,..). La restauration du moulin du bourg de Parcé-sur-Sarthe est exemplaire, car elle prouve qu’il est possible de redonner tout son lustre à ces bâtiments témoins de leur passé céréalier, et indissociables de leur environnement.

Façade ouest restaurée

Photo Isabelle Chiaramonti Monnet ©
Le moulin en 2017 après restauration.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©

Historique

Façade ouest (côté village) en 2010 avant travaux.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©
C’est vers 770 que les chroniques donnent le premier document constatant l’existence de Parcé par acte authentique de Charlemagne et, vers l’an 1000, il est fait mention d’Agnès de Clairvaux ayant fait don aux moines de Saint-Aubin d’Angers de la dîme sur le produit de ses deux moulins à Parcé.

Nous pouvons donc dater les fondations du moulin du bourg à partir du X ou XIème siècle avec la montée de la féodalité. En effet, à cette époque, seul un seigneur, laïque ou ecclésiastique, propriétaire d’un bief, de la terre et de l’eau, a le droit de construire un moulin et peut se permettre un tel investissement. Puis le moyen-âge a figé l’économie de la région pendant cinq siècles et l’on sait qu’alors, dans un rayon de 5 km, (dont la limite était calculée à mille tours de roue de 15 pieds de tour) chaque sujet avait l’obligation d’aller moudre ses céréales (froment et seigle) au moulin appelé banal, et ce sous peine de sanction. Comme tous les moulins de la région, celui de Parcé avait un mécanisme constitué d’une roue en bois alimenté en dessous par la Sarthe. La roue actionnait une meule de pierre monolithique par l’intermédiaire de deux engrenages d’angle en bois, les rouets. Le barrage n’existant pas, c’était des digues qui canalisaient la Sarthe. Comme tout le village, le moulin souffrira beaucoup de la guerre de 100 ans. C’est au milieu du XVIIIème siècle que nous retrouvons les premières archives écrites concernant spécifiquement le moulin avec des comptes de fermage adressés au seigneur de Pescheseul en janvier 1779 et des quittances données par le marquis de la Galissonnière en avril 1763. Ces archives conjuguées avec la carte de Cassini représentant le royaume de France au XVIIIème siècle, publiée entre 1769 et 1771, où il est fait mention du moulin du bourg de Parcé, sont une aide administrative précieuse puisque leur existence démontre que ce moulin est fondé en titre avant la révolution française, ce qui octroie à vie à son propriétaire le droit d’exploiter l’eau de la Sarthe à des fins personnelles ou industrielles. A cette époque prérévolutionnaire l’édifice est divisé en deux entreprises, une minoterie pour le grain côté est, dit « le grand moulin » et un moulin à tan dans l’actuelle partie d’habitation, côté ouest, dit « le petit moulin ». Ce petit moulin broyait l’écorce de chêne pour alimenter les cuves de tanneurs que l’on retrouve encore dans les maisons à proximité. Ce tan pouvait également, une fois séché et rassemblé en mottes, servir d’engrais et même de chauffage. Devenu bien national en1794, le « grand moulin » sera racheté par la famille Trégard qui conservera son exploitation jusqu’en 1902, début de la crise et du déclin des minoteries. En 1856 nous retrouvons des traces sous forme de plan du moulin avant que le barrage actuel ne soit construit et montrant que 3 roues tournaient. A côté des Trégard, c’était Monsieur Delépine qui faisait tourner le « petit moulin » à tan. Un autre plan nous fait constater qu’en 1878, le moulin appelé « usine » est désormais adossé au barrage long de 170,90 mètres. Le moulin à blé exploite l’énergie fournie par la grande roue extérieure de 6,60m de diamètre et d’une autre roue intérieure de 5,50m, tandis que le moulin à tan exploite l’énergie d’une plus petite roue aujourd’hui disparue mais dont on peut toujours voir le coursier sous l’actuelle partie habitation. La famille Trégard en fera rapidement une entreprise prospère, transformant en farine non seulement le blé de la région, mais aussi du blé américain, l’exportant même jusqu’en Angleterre. De nombreuses archives d’entreprise, registres et livres de compte, etc. en attestent. Vers 1880, le bâtiment sera modernisé « à l’anglaise », ce qui supposait de le surélever. C’est à cette époque qu’on lui doit sa physionomie actuelle. Le blé, transporté sur des péniches ou des charrettes, était monté dans les greniers à l’aide d’un monte-charge hydraulique puis broyé par des cylindres d’acier qui avaient deux avantages par rapport aux meules de pierre : celui d’être plus solide et celui d’éviter au boulanger de retrouver des éclats de pierre dans sa farine ! Le développement des étages permettait également aux sacs en attente de livraison d’être stockés en hauteur à l’abri de l’humidité. Le début du XXème siècle vit progressivement le métier de meunier disparaître et on note qu’à cette époque la roue du moulin tourna le plus souvent à vide. Néanmoins, vers 1910, une petite centrale fut installée pour alimenter en électricité le bourg et une aile en brique, métal et béton fût ajoutée au côté sud (elle sera démolie en 2011). Puis, c’est Monsieur Bourgy qui reprendra l’activité minotière jusqu’en 1930. Son successeur Albert Janin y travaillera jusqu’en 1951. Des photos de l’époque nous montrent des gabarres s’amarrant au quai côté nord pour embarquer la farine évacuée du 3ème étage par un imposant collecteur métallique.

Démolition de l'annexe formant verrue en 2012 - Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©
Façade ouest en travaux.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©
Façade est restaurée.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©

Puis, c’est une fabrique d’aliments pour bétail et basse-cour, propriété de Monsieur Robert, où le concassage des grains stockés dans des silos au deuxième étage se faisait par un broyeur à fléaux entraîné par la grande roue extérieure alors couverte, qui prolongera l’activité du moulin jusqu’à sa fin en 1974. La roue entraînait alors également une génératrice qui produisait l’électricité pour éclairer la meunerie.

En 2010 M. et Mme Monnet font l’acquisition du moulin de Madame Marie avec l’intention de le restaurer à l’identique du début du XXème siècle et redonner vie aux deux roues bien mal en point. Ils ont bénéficié pour ce faire de l’appui des Petites Cités de Caractère, du Conseil Départemental et du label de la Fondation du Patrimoine. Le moulin est ouvert au public et aux scolaires à l’occasion de diverses manifestations.

Restauration de la roue

La roue en 2010.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©

En 2017, la grande roue extérieure est restaurée, après avoir joué la belle endormie pendant plus de 20 ans, mise hors d’usage par la crue historique de 1995 qui la condamna, en l’immobilisant, à un dessèchement inéluctable. Les propriétaires, Jean-François et Isabelle, en ont rêvé et, après 6 ans de dossiers compliqués et d’incertitudes, elle a enfin pu voir le jour et émettre ses premiers chuintements. Ce sont les établissements d’Eric Rousseau, dans les ateliers de la métallerie de Brûlon à quelques kilomètres de là, qui l’ont fait renaître. De son ancienne ossature en bois, il ne reste rien, mais le tourteau est demeuré intact et c’est un immense mécano qui a été remonté par un froid glacial en novembre 2016. C’est pour l’instant une roue « pour le plaisir », mais elle est destinée, couplée avec une autre roue intérieure de taille plus modeste, à produire prochainement de l’électricité.

6,60m de diamètre, 1,70m de largeur, un poids total de 6 tonnes dont 2 d'acier et 4 de bois, 1400 boulons et 40 aubes composées de 7 planches de chêne !



La roue après restauration et les propriétaires.

Photo Isabelle Chiaramonti-Monnet ©


Bibliographie

  • Revues de l’association « Moulins et rivières de la Sarthe » 2012 à 2019.
  • Parcé-sur-Sarthe, histoire du moulin du bourg par Isabelle Chiaramonti-Monnet et témoignage de Madame Maunoury, jeune fille dans les années 30.