Bourrine du Marais breton vendéen

De Maisons Paysannes de France
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La bourrine vendéenne est une habitation trapue et longue, construites avec les ressources locales comme la terre d'argile et les roseaux dont on fait du torchis. Ces modestes chaumières basses sont blanchies à la chaux ou d'un enduit couleur terre et sont surmontées d'un épais toit de roseaux.

Bourrine du Bois Juquaud située dans la commune de Saint-Hilaire-de-Riez (85).

Photo Stéphane Grossin ® 2018, Musée de la bourrine du Bois Juquaud.

Le terme bourrine viendrait d'ailleurs du latin "burra" ou "bourre" signifiant laine grossière, rappelant l'action de fournir les toitures en fibre végétale. La chaumière porte également le nom local de "rouchine" (venant du terme roseau). D'autres termes sont utilisés pour décrire cette architecture et sont issus du maraîchin, dialecte du Marais Breton et particulièrement de Vendée.

Cette construction était habitée par les paludiers, les paysans ou les travailleurs de la mer.

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Recueil technique Toitures végétales

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Caractères généraux de la bourrine vendéenne

Site

Isolée, la bourrine est construite sur un charraud, voie en terre traversant les marais située entre deux parcelles cultivables.

L'enclos de cet habitat vendéen, délimité par des étiers et parfois des haies végétales est appelé tchérai. Les abords de cette chaumière comprend d'autres bâtiments appelés galeries (ou logas) ajoutées suivant les besoins de l'exploitation.

La bourrine se construit sur un terrain légèrement élevé afin d'éviter les inondations. Il s'agit généralement d'un bossis (tas de terre provenant des fossés) qui est bêché à l'automne mais c'est en hiver, après les gelées, que la construction de la bourrine débute.

Détail de la Bourrine du Bois Juquaud située dans la commune de Saint-Hilaire-de-Riez (85).

Photo Stéphane Grossin ® 2018, Musée de la bourrine du Bois Juquaud.

Matériaux et mise en oeuvre

Sol

Le sol de l'habitation est en terre battue (mélange de terre bleue et de sable) et est plus bas que le sol extérieur. On y accède parfois par une petite marche.

Mur

Schémas des proportions et des aménagements possibles de bourrines.[1]

Les murs sont réalisés en bauge, mélange de terre argileuse, eau et fibres végétales. En Vendée, le roseau haché entre dans la composition de ce mélange. Les mottes de terre qui sont créées sont appelées localement "bigos" et sont empilées à la fourche puis tassées.

La bauge est préparée et malaxée durant toute une journée afin de la rendre très plastique. C'est au lendemain de ce malaxage que la montée des murs est réalisée par les maçons. D'une épaisseur moyenne variant entre 50cm à 1m, ils sont montés à fruit, c'est-à-dire que leur base est épaisse puis s'affine en s'élevant.

La première levée du mur est faite avec des bigos façonnés puis posés sur une hauteur de 30 à 45cm. Un des maçons tasse progressivement les mottes de bauge en empilement en étant debout sur le mur en construction.

La deuxième levée du mur est réalisée une fois que la première a perdu son surplus d'humidité. Les poteaux des portes et des fenêtres sont posés ainsi que la base du four contre le mur pignon. La suite du mur est construite jusqu'à avoir une arase supérieure basse située entre 1,50 et 1,80 mètre. Les linteaux des fenêtres et portes en bois appelés "palâtres" sont placés à 1,60 mètre maximum du seuil.

Enduit

Les murs des bourrines sont enduits mais ils n'auraient été recouverts de chaux qu'au début du XXème siècle, tandis que les galeries en terre ne sont elles jamais chaulées. Elles sont enduites d'un mortier de sable et d'argile dont l'avantage est d'être respirant.

Charpente

Cette région ne comportant que peu d'arbres, les bois utilisés en charpente étaient souvent de réemploi d'une bourrine en ruines ou d'un échouage de bateau. La dimension de l'entrait pour réaliser la charpente détermine la largeur de la pièce principale de l'habitation.

L'entrait est généralement choisi courbé ou bien est taillé pour faciliter le passage mais également apporter une certaine résistance à la charpente. Le poinçon est assemblé sur l'entrait et maintient par enfourchement la panne faîtière. La ferme du toit repose sur l'arase des murs. Des chevrons sont posés sur cette ferme puis sont fixés des linteaux

Le toit de la bourrine descend bas, imposant parfois de baisser la tête pour entrer. Celui de l'étable, dans la continuité de la maison, est parfois plus bas et son faîtage marque un décrochement avec l'habitation.

Couverture

La couverture de cette chaumière, appelée localement bourrinage s'applique sur un toit incliné à 45° dont l'égout est bas, situé entre 1,50 à 1,80m du sol. Il est généralement réalisé en automne, lorsqu'il fait plus humide et que le roseau est plus souple, le rendant plus facile à travailler.

L'habitation ne comportant pas de grenier et donc pas de plafond, la face intérieure de la couverture est visible et est parfois habillée d'une natte végétale tressée plus esthétique.

Le toit est recouvert de roseaux récoltés à la faucille dans les roselières ou rouchères, nettoyés puis assemblés en gerbes (ou menoïlles) ou stockées en meule. Le bourrineur se sert de ces gerbes pour les fixer directement au toit à même les liteaux ou sur les nattes tressées tendues sur les chevrons. Autrefois réalisée avec des liens végétaux, la fixation est maintenant faite avec des fils de fers.

La pose du chaume sur ces bourrines débute à l'égout par une goubleture. Ce montage consiste à fixer les premières menoïlles sur un liteau posé sur les chevrons en débord du mur d'une quinzaine de centimètres. Cette saillie du toit, une fois couverte de roseaux, permet d'éloigner les ruissellements loin du mur en bauge d'une vingtaine de centimètres. La pose continue ensuite jusqu'à la croupe du premier versant avant de réaliser le deuxième versant.

L'épaisseur de la couverture est de 30 à 35cm sur l'habitation tandis qu'elle est moins épaisse sur les galeries. La pose des roseaux s'effectue toujours avec leurs pieds vers le bas et suivant la nature des végétaux choisis, il faut en moyenne 20 à 30 menoïlles pour couvrir 1m² de toiture, si l'on compte un pureau (partie découverte) de 30cm entre chaque gerbes.

Une fois les deux pans du toit couverts de roseaux, le faîtage est réalisé en rabattant le haut des tiges d'un versant sur son versant opposé et en le recouvrant d'une argile collante pour étancher. Il sera ensuite recouvert de bauge dans laquelle est plantée de la joubarbe, plante connue pour repousser la foudre.

Enfin, de fines perches en châtaigner ou pin écorcées appelées garlattes sont fixées parallèlement à l'égout afin de maintenir la couverture qui pourraient se soulever sous les effets du vent.

Architecture

Pièce principale de la bourrine du Bois Juquaud située à Saint-Hilaire-de-Riez (85).

Les roseaux de la couverture reposant sur les liteaux sont visibles sur leur face intérieure. Le mobilier est installé à proximité de la cheminée avec notamment un banc coffre qui permet de s'asseoir autour du foyer et d'accéder au lit en hauteur.

Photo Stéphane Grossin ® 2018, Musée de la bourrine du Bois Juquaud.
La bourrine est construite le plus souvent parallèle aux voies de communication avec des murs bas et une souche de cheminée qui ne dépasse pas trop le faîte de la toiture afin de s'abriter du vent.[2]
Belle chambre de la bourrine du Bois Juquaud, située à Saint-Hilaire-de-Riez (85).

Le mobilier est situé à proximité du foyer. Des bancs ont été eux aussi façonnés avec de la bauge est couvert d'un enduit à la chaux. Au fond de la cheminée, on aperçoit la bouche du four qui est accolé au pignon de la maison.

Photo Stéphane Grossin ® 2018, Musée de la bourrine du Bois Juquaud

Sa façade principale se tourne vers le sud percée de petites ouvertures et fenêtres à quatre carreaux tandis son pignon aveugle est en direction du vent de mer. Avoir une bourrine avec peu de fenêtres permettait au maraîchin de ne pas payer trop cher l'impôt local, le nombre d'ouvertures étant imposable au XIXème siècle. La porte de l'habitation était donc le plus souvent laissée ouverte pour apporter de la lumière à la pièce à vivre.[3] Fermée en cas de mauvais temps, sa partie haute parfois vitrée laissait passer le jour.

L'espace intérieur de la bourrine a évolué selon les époques et les familles qui y habitaient.

Une bourrine peut atteindre jusqu'à 20 mètres de long en fonction des aménagements et des extensions progressives. Les espaces ajoutés pouvaient faire chacun de 4 à 8 mètres de long avec une portée maximale de 6 mètres.

Autrefois, la bourrine comportait une pièce unique avec un mobilier organisé autour d'une cheminée située dans l'axe de l'habitation.. La table était placée près de la fenêtre. L'intérieur comportait des armoires renfermant notamment les papiers notariés et le linge de maison ainsi qu'un vaisselier qui servait à ranger la vaisselle et à la présenter comme élément décoratif. Parfois, cette pièce de vie était divisée à l'aide d'armoires qui formaient une cloison et derrière lesquelles était installé un lit.

La bourrine à pièce unique aussi pouvait être accolée à une étable appelée bourrineau. Sur le pignon, la galerie (gal'rie) comportait alors une ouverture pour que les charrettes y puissent entrer.

Cette chaumière a ensuite évolué avec la création d'une "belle chambre" réservée aux parents ou aux jeunes couples dont les lits et les coffres bordaient également une cheminée. La première pièce faisait alors office de pièce commune appelée aussi "pièce à feu" mais comportait également des lits et les armoires.

La bourrine possède parfois un four disposé sur l'un de ses pignons, compris dans la cheminée. Construit totalement en bauge, le four est réalisé par empilement de mottes de terre (ou bigos), y compris sa voûte. Après avoir réalisé la sole (plancher) du four, la coupole est montée sur un tas de sable humide qui aura été façonné pour donner la forme à la voûte. La coupole du four est armée avec des branches entrelacées. Le sable sera retiré après séchage de l'ensemble puis le four sera cuit par une première flambée.

Ce four peut être compris dans un appentis maçonné accolé à la maison ou bien sous un abri constitué de poteaux recouverts d'une toiture en roseau.

Protéger et valoriser

Il subsiste aujourd'hui quelques bourrines mais peu d'entre elles sont en bon état et leur préservation n'est plus aussi assurée à cause de la rareté des bourrineurs.

Le Daviaud, éco-musée situé dans le Marais breton vendéen permet de découvrir le paysage, la vie et l'architecture de ce marais. Le Musée de la bourrine du Bois Juquaud propose également de découvrir la vie des maraîchins au début du XXème siècle avec la possibilité de visiter une bourrine habitée jusqu'en 1967, restaurée et encore meublée, ainsi que de nombreux bâtiments annexes comme la grange, la laiterie, le poulailler ou la remise.

Ces musées jouent actuellement un rôle primordial dans la compréhension, la protection et la valorisation d'un territoire et du patrimoine bâti qui y est inscrit. Ils permettent de questionner notre propre rapport au paysage et à l'architecture vernaculaire. Il est en effet aujourd'hui nécessaire de préserver et valoriser le savoir-faire à l'origine de ces constructions et de l'adapter à l'architecture en terre contemporaine.

Bibliographie

  • BERTRAND J.-P. (2006), En terre et végétaux, constructions traditionnelles en Vendée, Cahier d'ethnographie n°2, Editions Mémoires des Vendéens-Arexcpo et Vendée Patrimoine, Editions Siloe.
  • COUSIN N. (2007), Découvrez les chaumières, Revue Détours en France, n°114, pp.83-96.
  • FOUIN J., MILCENT D. (2003), Les bourrines du Marais breton vendéen, Revue Maisons Paysannes de France, n°147, 1T, pp.4-7.
  • LE DAVIAUD, Le marais breton vendéen, Informations disponibles à l'adresse : https://www.ledaviaud.fr/le-marais-breton-vendeen/
  • PERRAUDEAU G. (1973), Bourrines du Marais Nord-Vendéen, Les Cahiers de MPF, n°5, Maisons Paysannes de France et Société des Etudes Folkloriques du Centre-Ouest.
  • SAINT-HILAIRE-DE-RIEZ, La bourrine du Bois Juquaud, 49 Chemin du Bois Juquaud, 85270 Saint-Hilaire-de-Riez. Informations disponibles à l'adresse : https://www.sainthilairederiez.fr/la-bourrine-du-bois-juquaud/
  • SCHNEPF C. et R.(1983), La maison paysanne en Vendée, Revue Maisons Paysannes de France, n°70, 4T, pp. 4-8.

Références

  1. Schémas non contractuels d'après observations à l’écomusée de la bourrine du Bois-Juquaud et d'après le livre de Gilles Perraudeau, Les bourrines du Marais Nord-Vendéen, Témoins d'une histoire et d'une culture. Séquences, 1988. pp. 54;62;65.
  2. Gilles Perraudeau, Les bourrines du Marais Nord-Vendéen, Témoins d'une histoire et d'une culture. Séquences, 1988. p.23.
  3. Gilles Perraudeau, Les bourrines du Marais Nord-Vendéen, Témoins d'une histoire et d'une culture. Séquences, 1988. p.25.