Mérule et autres champignons

De Maisons Paysannes de France
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Les champignons font partie des biodésordres susceptibles de menacer le bâti ancien ou contemporain. Ils surviennent à la suite d’un apport d’humidité constant et prolifèrent grâce à des conditions environnementales qui leur sont favorables comme une température tiède constante, de l’obscurité ou encore un espace confiné.
Mérule

Photo Anah (Agence nationale de l'habitat) © issue de l'ouvrage Prévention et lutte contre les mérules dans l'habitat, Recommandations pour une réhabilitation durable, avril 2006.
Les bâtiments anciens, souvent constitués de matériaux naturels sont des cibles privilégiées des biodégradations. Il est donc nécessaire de les surveiller même si un bâti bien construit et entretenu et qui n’aura pas fait l’objet d’une infestation biologique pendant de nombreuses années a peu de chance d’en être maintenant la cible. La contamination a plus de risque de survenir lors de travaux de modernisation où les techniques et matériaux employés sont inadaptés au bâti ancien.

Types de champignons du bâti

Caractéristiques de développement et d'aspect des champignons lignicoles et lignivores.

Tableau issu de l'article de Paule Delcambre (2001), Les désordres des bâtiments anciens: la biodégradation, Revue Maisons Paysannes de France, n°142, 4T, p. 35. ©

Il existe deux catégories de champignons dont la prolifération peut altérer le bois superficiellement ou en profondeur

Champignons lignicoles

Échauffure sur du hêtre

Photo issue de l'article Paule Delcambre, Les désordres des bâtiments anciens: la biodégradation, Revue Maisons Paysannes de France, n°142, 4T, p.35.

 Les champignons lignicoles se développent à l’intérieur du bois sans pour autant le détruire. Ils provoquent des altérations esthétiques comme des moisissures, le « bleuissement » des résineux ou encore des échauffures mais n’affectent a priori pas les propriétés mécaniques du bois si leur développement est limité.

Champignons lignivores

 Les champignons lignivores sont particulièrement redoutés car ils détruisent les composants du bois en sécrétant des enzymes qui hydrolysent la cellulose mais n’attaquent pas la lignine du bois. Cela a pour effet de transformer le bois qui devient alors sec, changé en poudre brune (manifestation de la fructification du champignon), provoquant une décomposition en portions rectangulaires appelée « pourriture cubique ». Le bois perd alors toute qualité mécanique et peut s'effondrer.

Mérule

Pourriture cubique

issu de l'article de Jean Hernandez, La mérule pleure dans les maisons humides, Revue Maisons Paysannes de France, n°203, 2T, p.15.©

L’un des champignons les plus courant et redoutable est la (ou le) mérule qui attaque le bois et affecte ses propriétés mécaniques. L'espèce la plus connue est appelée Serpula lacrymans (ou Gyrophana lacrymans) dite mérule pleureuse. Elle tire son nom de son processus de digestion où la cellulose du bois est transformée en glucose que le champignon métabolise tout en libérant de l’eau et qui assure ainsi la suite de son développement.

Appelée également « champignon des maisons » ou « cancer du bâtiment », son apparition doit être prise au sérieux et très vite traitée au risque de voir la dégradation rapide et irréversible du bâti.  La mérule attaque principalement les bois résineux mais il arrive également qu’elle s’attaque aux chênes ou autre espèce de bois feuillus.

Ce champignon redoutable peut également dissocier des joints de maçonnerie ou encore disjoindre du béton armé ce qui facilite sa diffusion dans un bâtiment.

Condition de son développement

 La mérule n’a pas besoin de beaucoup d’eau pour se développer et continue sa progression dès qu'un environnement atteint un taux d'humidité d'au moins 22% dans des milieux confinés et tièdes. Elle peut résister quelques mois si son taux d’humidité dans le bois reste constant jusqu'à 35%. Par contre, elle ne résiste pas à une température élevée : 6h à 35°C et 15min à 40°C.

Ses étapes de développement sont les suivantes :

  • Fructification des spores avec certains pouvant résister deux ans avant de germer (sans besoin de beaucoup de lumière).
  • Germination
  • Dissémination
  • Croissance avec développement de filaments
Aspect

La mérule se manifeste de différentes manières au fur et à mesure de son développement. Une odeur fade indique sa présence.

Sa structure en rhizomorphes lui permet de transporter l'eau et de se diffuser rapidement dans les pièces de bois sèches. Présentant d'abord un aspect poudreux brun (étape de la fructification), il

Incidence sanitaire

En plus d'être une menace pour le bâti, la mérule peut causer des troubles de la santé aux occupants des habitants des bâtiments atteints. Les champignons, en diffusant des spores, peuvent provoquer des allergies, sinusites, otites, angines ou encore désordres pulmonaires.

Traitement et prévention

Risques d'infestation des planchers par la mérule.

Croquis de l'Anah (Agence Nationale de l'Habitat), Prévention et lutte contre les mérules de l'habitat, Recommandations pour une réhabilitation durable, p.38.©

Le traitement de la mérule nécessite de mettre hors d'eau le bâtiment atteint et de supprimer toutes les sources d'humidité telles que les fuites ou les zones de condensation.

Les éléments attaqués par le champignon doivent être déposés et incinérés sur place lorsque cela est possible. Il est fortement déconseillé de transporter les bois infestés pour les détruire ailleurs que sur leur lieu infesté afin d'éviter la diffusion du champignon. Néanmoins, dans le cas où il y aurait une impossibilité de les faire brûler sur place, il est obligatoire d'y appliquer un traitement fongicide avant tout transport.

Afin d'éviter toute apparition de champignons lignivores et empêché son dévelopement dans un bâtiment, quelques règles préventives s'imposent :

  • Ventiler régulièrement l'intérieur du bâti et les endroits à première vue inaccessibles et surveiller toute apparition d'humidité notamment à proximité de canalisations ou de fenêtres.
  • Surveiller les bois posés ou encastrés.
  • Empêcher l'étouffement d'un plancher en bois sous un revêtement de sol étanche à l'air.
  • Utiliser des matériaux et un enduit respirant adaptés et non un enduit étanche qui conserve l'humidité au cœur d'un mur.
  • Surveiller si la toiture n'a pas d'infiltration qui pourrait endommager la charpente.
  • Ventiler le plafond et ne pas le rendre hermétique.
  • Proscrire les isolations thermiques hermétiques et absorbantes favorisant la condensation mais utiliser des matériaux et techniques respirants.
  • Surveiller tout bois posés sur le sol ou contre les murs, mais aussi les meubles en bois accolés à un mur.
  • Veiller à ne pas changer brutalement les conditions de température et d'humidité d'une maison habitée ponctuellement.

Dispositif législatif

Pour faciliter la lutte contre la mérule, la loi Alur préconise d’établir la cartographie de l’infestation. L'Article L133-7 du Code de la Construction et de l'Habitation[1] oblige tout occupant ou à défaut, tout propriétaire d'un immeuble infesté par la mérule à en faire la déclaration à la mairie. Si la mérule est présente dans les parties communes d’une copropriété, la déclaration à la mairie doit être faite par le syndicat des copropriétaires.

Lorsque des foyers de mérule sont recensés dans plusieurs communes, un arrêté préfectoral détermine et délimite les zones à risque de contamination du champignon. Cet arrêté consultable en préfecture est pris sur "proposition ou après consultation des conseils municipaux intéressés".[2]

La loi impose également au vendeur d'un bien situé dans la zone délimitée par l'arrêté préfectoral d'informer le futur acquéreur du risque de mérule. Cette information doit être annexée à la promesse de vente du bien ou alors à l'acte authentique de vente.

Bibliographie

  • ANAH (Agence Nationale de l'Habitat), Prévention et lutte contre les mérules dans l'habitat, Recommandations pour une réhabilitation durable, avril 2006, disponible à l'adresse : http://www.anah.fr/mediatheque/publications/publication/media/Mediatheque/voir-publication/1691/
  • DELCAMBRE P. (2001), Les désordres des bâtiments anciens: la biodégradation, Revue Maisons Paysannes de France, n°142, 4T, pp.34-35.
  • FONTAINE M. (2008), Attention mérule! Revue Maisons Paysannes de France, n°169, 3T, pp. 28-30.
  • HERNANDEZ J. (2017), La mérule pleure dans les maisons humides, Revue Maisons Paysannes de France, n°203, 2T, p.15.
  • Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, "Mérules et autres champignons lignivores", mis à jour en mars 2016, disponible à l'adresse : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/merules-et-autres-champignons-lignivores
  • POUGNET A. (2010), Le bâtiment à risque et ses pathologies : humidité, infiltrations, mérule et champignon lignivores, Revue TIEZ BREIZ - Maisons et Paysages de Bretagne, n°25, pp.27-31.