Pigeonniers du Quercy

De Maisons Paysannes de France
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Pigeonnier tourelle situé dans le Hameau Les Cazettes (près de Marminiac), Lot (46).

Ce pigeonnier en pierre calcaire est couvert d'un enduit à la chaux ocre. Les différents trous d'envol sont disposés de manière triangulaire devant lesquels dépassent des bandeaux de pierres ou pierres d'envol. Le toit à quatre pans à léger brisis est couvert en partie basse de laves calcaires puis de de tuiles plates. Dessous, la génoise est en briques plates et tuiles canal. Il dispose d'un épi de faîtage en forme de pigeon.

Photo Maisons Paysannes de France © Délégation du Lot.
Régions naturelles du Quercy.

Schéma P. Gabert © Maisons Paysannes de France

Les pigeonniers sont des éléments caractéristiques du patrimoine quercynois. Très présent sur le territoire, ils se révélaient fonctionnels, abritant ainsi les pigeons pour leur chair et leurs œufs mais surtout pour la colombine qu’ils produisaient, excellent engrais pour le potager, le canabal (champ de chanvre en occitan quercynois) et la vigne.

Bien avant la Révolution, le morcellement de la propriété empêchait d'avoir suffisamment de bétail et du fumier pour fertiliser les cultures. La colombine restait un source de revenus et d’engrais de qualité. Aussi, le droit d’édifier un colombier n’était pas réservé qu’aux seigneurs mais était donné à toute personne propriétaire de terres, à condition que la superficie du terrain soit cohérente avec le nombre de pigeons.  Cela pourrait expliquer le nombre important de pigeonniers édifiés dans le Quercy. [1] 

Marqueur social, ils illustrent la modestie ou l’aisance du propriétaire, allant de simples trous dans le mur du grenier à des tours majestueuses rondes, carrées ou aux formes et matériaux caractéristiques de la région.
Pigeonnier garde-pile dans le Lot.

Photo Maisons Paysannes de France ©

Localisation

Les Causses du Quercy forment une région naturelle aux grandes étendues calcaires dont les reliefs originaux abritent dans ses profondeurs un réseau hydrographique. Située au croisement de différents départements, cette région s’étend en grande partie sur le Lot mais comprend également une partie de la Corrèze, du Tarn-et-Garonne et de l’Aveyron. Elle se subdivise en différentes régions naturelles : Causse de Martel, Causse de Gramat, le Ségala, Bouriane, Causse de Limogne, Quercy Blanc.

La diversité du bâti est influencée par la pierre locale dont la composition varie en fonction des causses  : calcaire gris dans les Causse de Gramat (coeur du Haut-Quercy), calcaire ocre dans la Bouriane ou encore calcaire très blanc et tendre ayant donné son nom au Quercy blanc.
Pigeonnier situé à Calvignac, Bas-Quercy (Lot).
Pigeonnier à ressaut intégrant une grille d'envol en bois entre les deux parties du toit. Arêtes du toit couronnées de six épis de faîtage en pierre. Randière (bandeau de pierre) permet d'éviter l'intrusion des rongeurs. Les murs en maçonnerie étaient autrefois recouverts d'un enduit plein et orné d'un bandeau badigeonné à la chaux qui servait de repère aux pigeons. Ce type de pigeonnier se trouve également dans le Haut-Quercy mais aussi surtout dans le Tarn-le-Garonne et le Gers.

Photo J.-P. Nouveau © Maisons Paysannes de France, délégation du Lot.
Pigeonnier-tourelle au-dessus du bolet, situé à Espère, Lot.

Photo Alfred Cayla © Photothèque Maisons Paysannes de France. 1962
Les pigeonniers sont ainsi construits avec des matériaux et formes similaires au bâti local : couverture en tuiles plates, tuiles canal, laves calcaire,lauzes de schiste,ardoises de pays, ossature bois remplie de torchis, maçonnerie en moellons de pierre calcaire enduits à la chaux (la pierre étant gélive) ou en pierre de taille (Bas Quercy).

Typologie des pigeonniers du Quercy

Deux sortes de pigeonniers existent dans le Quercy : ceux qui sont intégrés ou accolés à un bâtiment (grange ou habitation) et ceux qui sont isolés. Ces pigeonniers  sont normalement toujours orientés au sud ou sud-est. L'orientation est choisie en fonction du sens du vent pour permettre l'envol plus aisé des pigeons.

Pigeonnier accolé ou compris dans le bâti

Pigeonnier-tourelle situé à Sarrazac, Lot.

Ce pigeonnier est situé au centre d'une façade symétrique. Construit en pierre, il est couvert d'un toit d'ardoise avec léger coyautage. Une lucarne en pierre est décorée de pinacles. Les pigeons accèdent au pigeonnier par des grilles d'envol en bois.

Photo Maisons Paysannes de France © Délégation du Lot, 2010.

Pigeonnier tourelle ou pigeonnier tour

Ce type de pigeonnier domine dans le Quercy. De forme rectangulaire, il est souvent bâti à l’angle d'un bâtiment ou intégré au milieu de sa façade principale. Dans ce dernier cas, la façade se développe symétriquement de part et d'autre du pigeonnier. Construit avec les mêmes matériaux que ceux utilisés pour l’habitation, le pigeonnier apporte du relief et une certaine dignité à la propriété.

Sur certaines demeures du Quercy, deux pigeonniers sont situés aux angles de la construction, symétriquement par rapport au perron ou bolet central.

Le toit de ce pigeonnier est la plupart du temps à quatre pans, couvert de tuiles plates avec un brisis en partie basse, parfois couronné d’un ou de deux épis de faîtages.

Les trous d'accès sont soit directement compris dans la maçonnerie du pigeonnier ou bien aménagées dans des grilles d'envol en bois placé devant une ouverture en façade ou dans une lucarne.

Ce type de pigeonnier se serait notamment développé au XIXème siècle.

Ouvertures dans un mur ou dans une lucarne

Il consiste en trous de façade d’une maison ou bien dans des lucarnes de toit[2]. Si les ouvertures se font à même la façade, il n’est pas rare de voir un cordon de pierre, une randière, qui les protège des prédateurs, notamment des rongeurs qui ne peuvent ainsi pas grimper.

Pigeonnier-porche ou pigeonnier bolet

Le pigeonnier est aménagé sous la forme d’une tourelle indépendante couronnant le porche d’entrée d’une propriété ou bien est compris dans le bolet, galerie couverte qui longe la façade de l’habitation. Dans cette dernière configuration, il couronne le centre du bolet ou bien est accolé à la galerie couverte.[3].

Ce type d’ouvrage, assez rare, est souvent d’allure majestueuse et se situe la plupart du temps à l'entrée de fermes avec cour intérieure. Il est généralement de forme carrée ou rectangulaire, sous lequel une voûte permet l'accès aux bâtisses.

Pigeonnier isolé

Pigeonnier garde-pile

Un pigeonnier garde-pile est un petit bâtiment isolé servant de remise pour le blé en grains conservé après le battage. Construit éloigné de la maison, il permet d’éviter les inconvénients des fientes des pigeons et protège les réserves céréalières en cas d’incendie. C'est une cellule de 2 à 4 m de côté, avec un plafond assez élevé, muni d'une porte à verrou qui peut se cadenasser, et de quelques "fenestrous" (petites ouvertures).

La pile est, suivant les interprétations, l'unité de travail produite en une fournée de dépiquage, soit 10 gerbes[4] ou bien rappelle la « pile », l’antique cuve de pierre, où l’on pilait le grain au quotidien[5].

Le rez-de-chaussée pouvait aussi servir de remise pour y déposer les outils, ou également être utilisé comme poulailler ou étable pour une mule ou un âne si sa composition le permettait.

Une échelle de meunier, correspondant à une trappe permettait d'accéder au niveau supérieur. A l’étage se trouvaient des boulins aménagés dans la maçonneries ou plus fréquemment, des paniers suspendus en osier. Les nids des pigeons pouvaient également être en poterie.

Une hygiène stricte était indispensable car le pigeon est porteur de maladies c’est pourquoi certains planchers étaient couvert de carreaux qui permettait une récupération de la colombine et un nettoyage facilité.

Le toit était souvent à quatre pan avec brisis en partie basse et disposant parfois de lucarnes, le tout couvert de tuiles plates et couronné d’un épi de faîtage.

Pigeonnier pied-de-mulet

Le pigeonniers à pied de mulet ou pigeonnier à ressauts est courant dans le Bas Quercy ainsi que dans le Tarn-et-Garonne.  Ce nom vient de la forme du pigeonnier qui de profil, ressemble à celle du pied de l’animal.

La construction est la plupart du temps quadrangulaire avec trois des quatre murs plus hauts que la toiture afin de se protéger du vent. Le dernier mur est qualifié de « gouttereau ». La toiture est à pente faible souvent couverte en tuiles-canal. Cette pente est divisée en deux ou trois redents ou ressauts troués servant de plateforme d'envol permettant les allées et venues des pigeons, ainsi que leur regroupement. La dimension de ces passa­ges, appelés aussi « tiers » est calculée de manière à ce qu'aucun prédateur plus gros que le pigeon ne puisse y accéder. Le bâtiment dispose également d’une randière sous les trous d’accès.

Ce type de bâti en pierre était enduit et parfois décoré d’un bandeau à la chaux servant de repère aux pigeons.

Les arêtes de ce toit en « escalier » peuvent être couvertes d’un morceau de toiture peu large couvertes de tuiles canal ou bien d’une rangée de tuiles canal scellées à la chaux. Celles-ci sont parfois couronnées d’épis de faîtage (ou pinacles). 
Pigeonnier cabane à les Escarits (Haut-Quercy), Aveyron.

Ouvrage en pierre sèche avec toiture en lauze légèrement campaniforme, reposant sur une voûte en encorbellement classique des Causses du Haut-Quercy.

La partie inférieure servait de remise tandis que la partie accueillait les pigeons.

Photo J.-P. Nouveau © Maisons Paysannes de France,

Pigeonnier sur piles

Le pigeonnier sur piles est également caractéristique du Quercy. Cette typologie de pigeonnier est l’une des plus anciennes de cette région dont certains bâtiments datent du XVIème siècle.[6]

L’édifice à ossature bois remplie de torchis ou de briques, ou bien construit en pierre calcaire repose sur des piliers. Ces pilotis en pierre ou parfois en briques sont conçus afin de protéger le pigeonnier de l'humidité et de lutter contre les nuisibles. Les colonnes travaillées comportent le plus souvent un « capel », sorte de large débord en pierre dont la forme rappelle celle d’un champignon, construit afin d’empêcher l’invasion des rongeurs.

Souvent, une génoise à plusieurs rangs finit la maçonnerie de pierre sur laquelle plusieurs aménagements sont mis en place pour empêcher l'accès du pigeonnier aux rongeurs. Des corniches ceinturent le pigeonnier devenant ainsi un obstacle surtout si elles sont creuses au niveau inférieur. Un bandeau de zinc ou des carreaux de terre cuite vernissée peuvent entourer également le bâtiment pour empêcher les pattes griffues des rongeurs de s’accrocher.

Le pigeonnier sur piliers est surmonté d’un toit très pentu à quatre pan couvert de tuiles plates avec brisis ou coyau à sa base.  Il est parfois rehaussé d’un clocheton ou d’un lanternon carré à quatre pans plus ou moins pointus [7]ou bien surmonté d’un épi de faîtage en terre cuite vernissée qui peut prendre la forme d’un pigeon.  

Les piliers peuvent aussi être remplacés par des arcades.

Pigeonnier cabane ou pigeonnier gariotte

Ce type de pigeonnier cylindrique est construit en pierres sèches avec voûte en encorbellement, typique des Causses du Haut-Quercy. Sa partie inférieure est souvent aménagé en remise.

Il est couvert de laves calcaires et dispose parfois d’une pierre d’envol au faîte du toit en plus d’une grille d’envol  ou de trous en façade. Une randière située au-dessus de la porte d’entrée de la cabane permet d’éloigner les rongeurs des pigeons.



Bibliographie

Références

  1. LAURANS R., Les pigeonniers, Le logement des animaux domestiques, Ethnozootechnie, n°51, mars 1993. p. 57. Disponible à l'adresse : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65608922/f61
  2. SPINDLER F. et J., L'habitat rural traditionnel dans les régions françaises Publication Hors-série de la Société d’Ethnozootechnie, Clermont-Ferrand, 2000. p.80. Disponible à l’adresse : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6560827g/f3.item.r=pigeonnier%20trou
  3. LAURANS R., Les pigeonniers, Le logement des animaux domestiques, Ethnozootechnie, n°51, mars 1993. p.70. Disponible à l'adresse  :  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65608922/f61
  4. DEFFONTAINES P., Les pays de la moyenne Garonne (Agenais, Bas-Quercy), 1932. Cité par GUENOT-LAPEZE M.-C., Survol rapide au-dessus des pigeonniers du Quercy, Revue Maisons Paysannes de France, n°110, 4T, p.5.
  5. MARROUX S., Exposition permanente à Villesèque, Lot (46) Panneau 3 Villesèque, L'âge d'or des maçons, 1830-1890.
  6. QUERCY SUD-OUEST OFFICE DE TOURISME, Pigeonniers et petit patrimoine, Découvrir, Office du Tourisme Quercy Sud-Ouest : 3 Place des Cornières, 82110 Lauzerte. Consulté en mai 2020. Disponible à l’adresse : https://www.quercy-sud-ouest.com/fr/decouvrir/pigeonniers-et-petit-patrimoine
  7. LAURANS R., Les pigeonniers, Le logement des animaux domestiques, Ethnozootechnie, n°51, mars 1993. p.63. Disponible à l'adresse  :  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65608922/f61