Puits à balancier

De Maisons Paysannes de France
Ceci est la révision approuvée de la page, et aussi la plus récente.

Le balancier est un système de levage destiné à tirer l'eau d'un puits. On l’appelle également système « à bascule ».

Il est constitué d'un levier appuyé en son milieu sur un pivot, et porte à l'une de ses extrémités un récipient pour récupérer l'eau et à l'autre un contrepoids (pierre, métal ou billot)[1]. Le contrepoids sert à manœuvrer le balancier qui monte ou descend le seau suspendu au bout d'une chaîne ou d'un morceau en bois.

Eléments du puits à balancier

Puits à balancier devant une maison située à Saint-Cirgues-la-Loutre, Corrèze.

Photo Eric Chalhoub ©
Ce système de puisage comporte généralement quatre éléments :
  1. un élément vertical fixe dit « pied », « piédroit », « montant », « poteau » qui consiste généralement en un tronc d'arbre de section et de hauteur variables, enfoncé dans le sol et calé. Il est terminé par une fourche naturelle ou artificielle ou par un enfourchement artificiel. Le tronc d'arbre est parfois remplacé par deux poteaux jumelés en bois ou en métal. Cet élément joue le rôle d'un pivot.
  2. un élément horizontal mobile dit " balancier" ou « fléau » ayant le haut du piédroit pour point d'appui est constitué d’un jeune tronc, écorcé ou équarri, de grande longueur. L’extrémité la plus mince et la plus longue, placée du côté du puits, est appelée la « flèche ». Le système de suspension du seau y est fixé. Sur la « queue » du balancier, extrémité plus épaisse et plus courte, un contrepoids en pierre, pièce de métal ou billot est attaché. Au repos, le fléau est incliné du côté opposé au puits et repose soit au sol, soit sur un petit poteau fourchu (une « paufourche »), soit encore sur un chevalet faisant office de butée.
  3. un axe de rotation horizontal fixe joignant les dents de la fourche ou les jouées de l'enfourchement, permettant au balancier d'osciller. Cet axe, généralement métallique, peut traverser le balancier ou être fixé, par un plat, sous celui-ci. Il peut également se rencontrer sous la forme d'une simple planchette de bois passant sous le balancier, voire être totalement absent, le simple creux de la fourche faisant office d'axe.
  4. un élément de suspension articulé permettant de descendre ou de remonter le récipient, constitué généralement par une barre en bois ou une tringle en fer, prolongée par une chaîne terminée par un mousqueton ou un crochet. La barre comporte à chaque extrémité une armature en fer forgé munie d'un anneau ou d'un crochet. Elle pend, directement ou par l'intermédiaire d'une chaînette, au bout de la flèche. De par leur surface lisse, barre et tringle permettent une meilleure préhension et facilitent la manœuvre. La longueur de la chaîne est calculée d'après la profondeur où se trouve l'eau. Il arrive que l'élément rigide, barre ou tringle, soit absent du système de suspension, réduit alors à la seule chaîne. L'inverse est également possible. Enfin, à défaut du système articulé, une simple corde fait parfois l'affaire.

Le principe du levier et son application dans le puits à balancier

Le système du balancier articulé sur un pivot repose sur le principe du levier ou fléau en équilibre sur un point d'appui situé sur la verticale de son centre de gravité. Il suffit de faire varier le poids d'un des bras du fléau (le point d'ap­pui restant le même) pour lui donner un mouvement de bascule.

Lorsque le balancier est en repos, il n’est pas en équilibre sur son point d'appui mais incliné du côté opposé au puits en raison du contrepoids lestant son bras arrière. Un effort de traction sur la barre ou sur la chaîne est nécessaire pour abaisser le bras avant et faire des­cendre le récipient dans le puits. Une fois le seau rempli, l'équilibre est plus ou moins restauré entre les deux bras de levier et il suffit d'une légère traction pour amorcer un mouvement de bascule et faire remonter le récipient plein. S’il faut un effort plus grand pour faire descendre le seau que pour le faire remonter, cet effort est relativisé par l'usager qui use du poids de son corps. L'utilisation du balancier n'est donc pas fatigante et l'eau peut être remontée à un rythme rapide.

Une particularité du puits à balancier est que le seau décrit, en descendant librement, une trajectoire en arc de cercle en non pas verticale. En doublant la valeur de l'arc, on obtient la flèche correspondante. En théorie, le diamètre intérieur du puits doit être égal à la longueur de cette flèche augmentée du diamètre du seau, sinon ce dernier frotte contre la paroi. Dans la pratique, cet inconvénient est corrigé par l’utilisateur en dirigeant l'élément de suspension hors de la verticale.

Le piédroit et sa fourche

Un élément remarquable du balancier est l'enfourchure en haut du piédroit. Cette enfourchure peut être celle d'une fourche naturelle, d'une fourche artificielle ou un assemblage par enfourchement.

La fourche naturelle est la bifurcation, aux deux fourchons égaux mais divergents, du tronc d'arbre faisant fonction de piédroit, parfois à mi-hauteur, mais elle peut aussi - dans de très rares cas - être une bifurcation basse ayant donné deux longues branches verticales à peine divergentes.

La fourche artificielle, qui est un succédané de la fourche naturelle, repose sur le principe de la moise : deux pièces de bois jumelles ou encore deux flasques métalliques jumelées, sont moisées verticalement et boulonnées sur le haut du piédroit, à la façon de deux fourchons. Cette solution supplée l'absence initiale d'une fourche naturelle ou correspond au remplacement d'une fourche brisée.

L'enfourchement résulte de l'évidement au ciseau à bois ou de la découpe à la scie de la tête d'un piédroit de bonne section.

Il arrive, en dernière solution, que le piédroit fourchu soit remplacé par deux poteaux de bois ou deux poutrelles métalliques jumelés, soit parallèles, soit convergents et reliés par un axe dans leur partie supérieure (il s'agit alors d'une évolution récente, apparue dans la deuxième moitié du XIXème siècle).

Construction d’un balancier

La construction d’un balancier se déroulait autrefois en différentes étapes :

  • Un tronc d’arbre fourchu en chaîne ou châtaigner destiné à la réalisation du piédroit est choisi dans un bois en décembre ou janvier (lorsque la sève est descendue). Le bois coupé est écorcé, débarrassé de son aubier, taillé à l’herminette ou scié mécaniquement pour avoir une longueur entre 4,50m et 6m.
  • Le fléau du balancier, réalisé avec un jeune tronc d’arbre en chêne, châtaigner ou acacia bois est également taillé dans les mêmes conditions que le piédroit. Sa longueur doit être entre 6,50m et 8,50m.
  • La fondation creusée à 1m de profondeur est situé à la distance voulue du puits.
  • Le piédroit est allongé au sol, attaché sous la fourche par des chaînes puis est tiré par des bœufs afin de le basculer dans le trou. Il y est ensuite dressé verticalement et calé avec des pierres et de la terre tassée couche par couche.
  • Le fléau est ensuite soulevé puis glissé obliquement dans l’enfourchure du piédroit jusqu’à une position de quasi équilibre. L’axe d’articulation est ensuite placé. Les pièces métalliques nécessaires pour les éléments d'articulation et de suspension sont préalablement commandées à un forgeron local ou réutilisés d'un dispositif antérieur usagé. Les pièces métalliques peuvent être récupérées sur de vieux outils aratoires ou sur de vieilles charrettes.

Diverses appellations

Aux XIXème et XXème siècles, diverses appellations désignent le balancier du puits suivant la région où il se situe :

  • cigogne : appellation imagée rappelant la forme entre l'animal et le dispositif. Ce nom de la langue d'oïl est fréquent en Vendée, Charente et Charente-Maritime.
  • cigounho : pendant de « cigogne » en langue d'oc. Appellation de Haute-Vienne et d’Aveyron.
  • canlèvo : de cap/can levar = lever la tête, faire basculer par un bout, en langue d'oc. Terme de Haute-Garonne, d’Ariège, de Tarn-et-Garonne, du Gers et du Lot-et-Garonne.
  • banlèvo : de banlèvar = soulever, faire basculer, en langue d'oc. Appellation de Haute-Vienne, Dordogne, Aveyron, Tarn-et-Garonne. 
  • manlèvo : de man = main et lè-var = lever en Lot-et-Garonne, Lozère, Ardèche.
  • gruo : signifie grue en Vienne, Haute-Vienne, Basses-Pyrénées, Alpes-de-Haute-Provence;
  • schwenkelbrunne : appellation signifiant littéralement « puits à balance » en alsacien.

Bibliographie

  • LASSURE C., Une vieille technique de puisage en perdition, Le balancier à tirer l'eau, Revue Maisons Paysannes de France, n°85, 3T, 1987. pp. 11-16.

Références

  1. TAUCH Y., La vérité sur les puits. Restaurer sa maison, n°50, juillet/août 2001, p.74.