Fermes du secteur Gerbier-Mézenc

De Maisons Paysannes de France

Le Mont Mézenc, situé au sein du Massif Central entre le département de la Haute-Loire (province du Velay) et de l’Ardèche (province du Vivarais), accueille une architecture diverse suivant l'installation du bâti plus ou moins en altitude.

Caractères généraux du bâti

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Recueil technique Rhône-Alpes Sud

Retrouvez dans ce recueil technique des conseils de restauration du bâti de la région.

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L’architecture des constructions du Mézenc est le reflet de l’activité des habitants (notamment l’élevage) ainsi que de son adaptation au climat. L’hiver y est long et neigeux et la burle, vent froid caractéristique du Massif Central souffle particulièrement sur ce territoire. Les maisons construites pour résister aux saisons froides sont donc massives et trapues et installées en haute altitude, elles s'isolent parfois contre une pente afin de se protéger du vent.

Matériaux et mise en œuvre

Les matériaux utilisés pour ces constructions sont issus de l’environnement proche : la pierre pour les murs, le sapin pour la réalisation des charpentes, les lauzes en phonolithe ou la paille ou le genêt pour couvrir les toits de chaume.

Mur 

Les murs de ces habitations sont très épais (entre 0,80m et 1,30m) et sont construits en blocs de granite ou de trachyte, de basalte, de schiste liés avec de la glaise puis rejointés au mortier de chaux. Ils comportent une âme d’argile pour se protéger du froid et du vent.

Les roches granitiques étant difficiles à travailler avec les outils à main, les blocs ne nécessitant pas de retouche sont donc choisis pour la construction des murs. De même, le schiste qui est une roche dure ou le basalte, dur et cassant, sont utilisés tels quels pour les murs mais pas les chaînages d'angle ou les encadrements qui doivent être taillés. C'est pourquoi ces derniers sont réalisés en calcaires ou grès. Ces roches étaient autrefois importées de régions voisines quand cela était possible financièrement pour les familles qui construisaient leur habitation. Près du Mont Mézenc, on emploie plutôt le trachyte qui se taillait facilement pour en faire des encadrements et chaînages d'angle des habitations locales.

Toiture

Cabanon démonstratif d'une charpente destinée à la pose du genêt, réalisé par l'association LIGER.

Photo Bernard Leborne ©
L'architecture des charpentes du Mézenc dépend des matériaux choisis pour la couverture. Le toit est souvent haut et robuste et est à quatre versants afin de faire face au vent. La couverture est réalisée avec des matériaux trouvés dans l'environnement proche notamment du phonolithe pour en faire des lauzes ou de la paille et du genêt pour le chaume.

Le chaume est en grande majorité utilisé pour couvrir les constructions de la région mais il arrive également qu'il soit utilisé uniquement pour couvrir une grange tandis que l'habitation, l'arcas et la cave sont recouverts de lauzes.

Charpente

Les charpentes sont réalisées avec les bois locaux notamment les conifères de la montagne qui fournissent des bois aux longs fûts, droits et relativement légers. Ils permettent de réaliser d'imposantes charpentes dont les fermes sont de grandes largeurs.

La forme de la charpente réalisée libère un grand volume de stockage à l'étage de l'habitation et suivant la couverture choisie, elle est réalisée de deux manières différentes.

Celle d'un toit de chaume est simplifiée et le toit est à forte pente (60°) afin que la pluie ou la neige n'y stagne pas. De grands arbalétriers (appelés tenails) d'une section de 30cm chacun sont espacés entre eux de 2m et sont chevillés à la panne faîtière. Ils sont assemblés à mi-bois au sommet et maintenus par un entrait proche du faîtage. Ces arbalétriers reposent sur une panne sablière engagée dans les murs de façade. Les fermes sont espacées d'un 1,30m à 1,40m. Des grosses lattes de sapins refendues et d'une seule longueur sont ensuite chevillées tous les 30cm sur ces arbalétriers, sur lesquelles seront tressées les branches de genêts.

Le faîtage était à l’origine recouvert de mottes de gazon prélevées localement et maintenus par des branches de bois posées et attachées. Aujourd'hui, il est plutôt réalisé avec des planches ou du zinc.

Un toit couvert de lauze sera quant à lui moins pentu (35° à 40°) et sera plus solide pour supporter la masse de sa couverture. Sa charpente est également faite d’arbalétriers peu espacés et assemblés à mi-bois à leur faîte. Ils sont également maintenus par un entrait à environ 1 m du sommet. Cette charpente en lauze est portée à sa base par un potelet qui vient soulager verticalement le mur d'une partie de la charge. Une jambe de force relie parfois ce potelet à l'arbalétrier.

Le faîtage d'une telle couverture peut être réalisé différemment selon les zones: gouttière de trachyte ou alternance de lauzes emboîtées (à lignolet) avec débord vers un versant ou vers l'autre et scellées à la chaux.

Type de couverture
Ferme Philip couverte de genêt (Sainte-Eulalie) et avec l'arcas couvert de lauzes. La cheminée est déportée du genêt pour éviter d'éventuelles flammèches.

Photo de Bernard Leborne ©

Dans le Vivarais, situé en Ardèche, les toits sont réalisés d'une bonne épaisseur de genêts et sont appelés « rigots ». Le genêt est présent en abondance sur le socle granitique du Mézenc et est donc peu cher à l’emploi. Sa cueillette permet également d'ouvrir des parcelles cultivables[1].

De longues branches de genêts d'environ 1m seront tressés serrées sur ce lattis et seront piquées de l'extérieur de petites touffes épaisses pour imperméabiliser.

Dans le Velay, département de Haute-Loire, les toits sont quant à eux plutôt couverts de paille de seigle.

Le chaume étant autrefois peu cher, il était utilisé par les familles habitant dans des fermes les plus modestes. Le toit était réalisé et entretenu en auto-construction, recouvert d'une bonne épaisseur de genêts. Les familles habitant les fermes plus aisées avaient la possibilité de réaliser une couverture en lauze et de construire une charpente solide supportant sa masse.

Plancher

Le plafond de l'habitation est généralement bas, d’une hauteur de 2,50m avec au dessus la grange dans laquelle est stockée le foin. Son plancher est réalisé en poutres de sapin peu espacées et ancrées dans le mur. Elles sont supportées en leur centre par une poutre longitudinale appelée "charreyre". Cette poutre est elle-même soutenue par des chandelles faites en bois de grume ou en fût de basalte posées sur des sabots de pierre.

Organisation spatiale

Plan type de maison en Ardèche

Dessin Pierre Moreau ©

Le plan de ces habitations de montagne est souvent similaire sur les deux versants du Mézenc et se partage entre logis pour les hommes et étable pour les animaux, celle-ci pouvant prendre le 2/3 du volume total du bâtiment et accueillir une trentaine de bêtes. L'accès à la grange se fait par charrette sur une pente appelée le "moustache" ou le "muntado".

L’entrée du bâtiment se fait par tous par l’arcas (ou arco), petit porche voûté qui comporte souvent une source ou un abreuvoir (appelée aussi bachas). Cette entrée abrite aussi généralement une loge pour les cochons. 

Le logis est réduit à une pièce unique servant de cuisine, de salle à manger et de chambre. Des lits placards sont situés sur le mur de séparation du logement avec l’étable, permettant de bénéficier de la chaleur de cette dernière.

La maison, orientée généralement vers le midi, ne possède que quelques petites ouvertures (appelées fenestrous) pour se protéger du froid. Les vaches sont installée le long du mur le plus long, face à l'entrée, et sont alignées devant une mangeoire dans laquelle le foin arrive par des trappes communiquant avec le fenil (ou la fenière). Le fourrage pour 6 mois y est stocké pour tenir tout l'hiver.

Une cheminée massive (appelée aussi cantou) est souvent reliée avec son four et est presque toujours placée à l’angle sud-ouest de l’habitation. A l’extérieur, elle se détache du toit pour dépasser les couches de neige et réduire les risques d’incendie.

Se former

La délégation de Maisons Paysannes d'Ardèche organise des événements afin de faire découvrir le bâti rural ardéchois. Différentes initiations de la construction sous la forme de stage peuvent être proposées en partenariat avec l'association LIGER. Elles permettent de familiariser ceux qui le souhaitent au "piquage du genêt" ou à la pose de lauzes.

Bibliographie

  • CHAUVET J.-Y. (2013), Habitats partagés : les chaumières du Mézenc : (Ardèche et Haute-Loire), Revue Maisons Paysannes de France, n°187, 1T, pp.33-35.
  • CARLAT M. (1977), Les maisons Vivaroises, Revue Maisons Paysannes de France, n°46, 4T, pp.10-11.
  • CARLAT M., Découvrir le bâti rural ardéchois, Comprendre le patrimoine d’hier pour les réalisations de demain. Disponible à l'adresse : http://rhone-alpes.maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/sites/22/2015/06/maquette-livret-basse-def.pdf
  • LEBORNE B. (2014), De lauze et de genêt, les toitures des grandes fermes de la montagne ardéchoise, Revue Maisons Paysannes de France, n°194, 4T, pp.35-36.
  • LIGER, site internet de l'association, disponible à l'adresse: https://www.association-liger-ardeche.com/
  • MAISONS PAYSANNES DE LA DRÔME, Compte-rendu de la visite de la montagne ardéchoise, juillet 2018, disponible à l'adresse http://rhone-alpes.maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/sites/22/2016/04/CR-sortie-2018-7-7-1.pdf
  • MOREAU P. (2001), Autres toitures en genêt : les "rigots" du Vivarois : Carnets de voyage de Pierre Moreau, Revue Maisons Paysannes de France, n°140, 1T, pp.34-35.
  • POIRIER M.-M. (2018), Toiture en genêt et en lauze, Les pailhisses, symboles du pays des sources de Loire, Revue Maisons Paysannes de France, n°209, pp.5-7.

Références

  1. CHAUVET J.-Y. (2013), Habitats partagés : les chaumières du Mézenc : (Ardèche et Haute-Loire), Revue Maisons Paysannes de France, n°187, 1T, p.34.