Fermes du secteur Gerbier-Mézenc

De Maisons Paysannes de France
Ceci est la révision approuvée de la page, et aussi la plus récente.

Le Mont Gerbier-de-Jonc et le Mont Mézenc, situés au sein du Massif Central de part et d’autre de la limite entre le département de la Haute-Loire (province du Velay) et de l’Ardèche (province du Vivarais), accueillent une architecture diverse suivant l'installation du bâti plus ou moins en altitude.

Ce bâti est aujourd'hui menacé et disparait faute d'entretien adapté. Le coût de rénovation, l'approvisionnement difficile en matériaux (lauzes ou chaume) et la perte progressive d'un savoir-faire sont des raisons expliquant la dégradation du bâti et sa difficile préservation.

Caractères généraux du bâti

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Recueil technique Rhône-Alpes Sud

Retrouvez dans ce recueil technique des conseils de restauration du bâti de la région.

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L’architecture des constructions du secteur est le reflet de l’activité des habitants (principalement l’élevage) ainsi que de son adaptation au climat. L’hiver y est long et neigeux et la burle, vent froid caractéristique du Massif Central souffle particulièrement sur ce territoire, y formant de hautes congères. Les maisons construites pour résister aux saisons froides sont donc massives pour abriter le troupeau et 6 à 8 mois de fourrage et sont aussi trapues, lovées dans la pente au sud afin de se protéger du vent.

Matériaux et mise en œuvre

Les matériaux utilisés pour ces constructions sont issus de l’environnement proche : le granit et le basalte pour les murs, le sapin pour la réalisation des charpentes, les lauzes de phonolithe ou la paille (plutôt en Haute-Loire) ou le genêt (plutôt en Ardèche) pour la couverture en chaume.

Mur

Les murs de ces habitations sont très épais (entre 0,80m et 1,30m) pour se protéger du froid et du vent et sont construits en blocs de granite, de trachyte, ou de basalte liés à la glaise, faute de calcaire donc de chaux. Ils comportent parfois une âme d'argile.

Les roches granitiques étant difficiles à travailler avec les outils à main, les blocs ne nécessitant pas de retouche sont donc choisis pour la construction des murs. De même, le basalte, dur et cassant, sont utilisés tels quels pour les murs mais pas pour les chaînages d'angle ou les encadrements qui nécessitent d'être taillés. C'est pourquoi ces derniers sont plutôt réalisés en calcaires ou grès importés de régions voisines quand cela était possible financièrement pour la famille. Près du Mont Mézenc, on emploie plutôt le trachyte qui se taille plus facilement pour faire les encadrements et chaînages d'angle.

Toiture

Vue intérieure de la grange. Le toit est couvert de voliges sur lesquelles sont posées des lauzes. Ferme du Bourlatier.

Photo Bernard Leborne ©
Cabanon démonstratif d'une charpente destinée à la pose du genêt, réalisé par l'association LIGER.

Photo Bernard Leborne ©

L'architecture des charpentes du Mézenc dépend des matériaux choisis pour la couverture. Le toit est souvent haut et robuste à quatre versants afin d’affronter le vent. La couverture est réalisée avec des matériaux trouvés dans l'environnement proche: phonolithe pour constituer des lauzes, genêt abondant sur place ou chaume de seigle.

Le chaume ou le genêt sont majoritaires pour couvrir les constructions des familles modestes en autoconstruction alors que les familles plus riches pouvaient payer l’artisan nécessaire à la réalisation de toits de lauze. Malgré tout, la cave et l’arcas (sas d’entrée dans la maison qui abrite le bachas où coule la source) étaient couverts de lauze. Pourtant, les petits bâtis annexes étaient couverts de genêt ou de chaume.

Charpente

Vue intérieure d'une charpente couverte de genêts.

Photo Bernard Leborne ©

Les charpentes sont réalisées avec les bois locaux notamment les conifères de la montagne qui fournissent des bois aux longs fûts, droits et relativement légers. Ils permettent de réaliser d'imposantes charpentes dont l’entrait est très haut perché afin de libérer un grand volume de stockage du fourrage.

La forme de la charpente est très différente selon que la couverture est minérale ou végétale.

Celle d'un toit végétal est plus légère et le toit est à forte pente (60°) afin que la pluie ou la neige n'y stagne pas. De grands arbalétriers (appelés tenails) d'une section de 30cm chacun sont espacés entre eux de 2m et sont chevillés à la panne faîtière. Ils sont assemblés à mi-bois au sommet et maintenus par un entrait proche du faîtage. Ces arbalétriers reposent sur une panne sablière engagée dans les murs de façade. Les fermes sont espacées d'un 1,30m à 1,40m. Des grosses lattes de sapins refendues et d'une seule longueur sont ensuite chevillées tous les 30cm sur ces arbalétriers, sur lesquelles seront tressées les longues branches de genêts et piquées les rigots.

Le faîtage était à l’origine recouvert de mottes de gazon prélevées localement et maintenus par des branches de bois posées et attachées. Aujourd'hui, il est plutôt réalisé avec des planches (de 35 à 40cm de large) ou du zinc.

Un toit couvert de lauze sera quant à lui moins pentu (35° à 40°) et sera plus solide pour supporter la masse de sa couverture. Sa charpente est également faite d’arbalétriers peu espacés et assemblés à mi-bois à leur faîte. Ils sont également maintenus par un entrait à environ 1 m du sommet. Cette charpente en lauze est portée à sa base par un pied droit engagé dans le mur pour descendre la charge plus près du sol et soulager verticalement pour éviter les poussées horizontales. Une courte jambe de force relie parfois ce potelet à l'arbalétrier. Un platelage de bois épais de 40 mm est fixé à la charpente pour supporter les lauzes qui y étaient chevillées et qui y sont maintenant maintenues par des pointes inox.

Le faîtage d'une telle couverture peut être réalisé de différentes façons selon les zones: lourde gouttière inversée taillée dans le trachyte, ou zinc.

Type de couverture
Ferme Philip couverte de genêt (Sainte-Eulalie) et avec l'arcas couvert de lauzes. La cheminée est déportée du genêt pour éviter d'éventuelles flammèches.

Photo de Bernard Leborne ©

Dans le Vivarais, situé en Ardèche, les toits sont réalisés d'une bonne épaisseur de genêts et sont appelés « rigots ». Le genêt est présent en abondance sur le socle granitique du Mézenc et est donc peu cher à l’emploi. Sa cueillette permet également d'ouvrir des parcelles cultivables[1].

De longues branches de genêts d'environ 1m seront tressés serrées sur ce lattis et y seront piquées de l'extérieur de petites touffes épaisses de 25 à 30cm pour imperméabiliser.

Dans le Velay, département de Haute-Loire, les toits sont quant à eux plutôt couverts de paille de seigle.

Le chaume étant autrefois peu cher, il était utilisé par les familles habitant dans des fermes les plus modestes. Le toit était réalisé et entretenu en auto-construction, recouvert d'une bonne épaisseur de genêts. Les familles habitant les fermes plus aisées avaient la possibilité de réaliser une couverture en lauze et de construire une charpente solide supportant sa masse.
Intérieur de la ferme du Bourlatier avec deux rangées de poteaux pour soutenir deux chareyres, la charpente étant très grande et large.

Photo Bernard Leborne ©

Plancher

Photo d'un assemblage de liaison entre poutre centrale (charreyre) et poteau. La poutre est simplement posée.

Photo de Bernard Leborne ©

Le plafond de l'habitation est généralement bas, d’une hauteur de moins de 2,50m avec au dessus la grange dans laquelle est stockée le foin et parfois une chambre supplémentaire dite chambre du soleil. Son plancher est réalisé en poutres de sapin serrées et ancrées dans le mur. Elles sont supportées en leur centre par une poutre longitudinale appelée "charreyre". Cette poutre est elle-même soutenue par des chandelles faites en bois de grume ou en fût de basalte, et posées sur des sabots de pierre.

Organisation spatiale

Plan type de maison en Ardèche

Dessin Pierre Moreau ©

Le plan de ces habitations de montagne est souvent similaire sur les deux versants du Mézenc et se partage entre logis pour les hommes et étable pour les animaux, celle-ci pouvant prendre le 2/3 du volume total du bâtiment et accueillir une trentaine de bêtes. L'accès à la grange se fait par charrette sur une pente appelée le "moustache" ou le "muntado".

Lit placard dans une ferme.

Photo Bernard Leborne ©

L’entrée du bâtiment tant pour les animaux que pour les habitants se fait par l’arcas (ou arco), petit porche voûté qui comporte souvent une source et un abreuvoir. Cette entrée abrite aussi généralement une loge pour les cochons.

Le logis est réduit à une pièce unique servant de cuisine, de salle à manger et de chambre. Des lits placards sont situés sur le mur de bois séparant le logement de l’étable pour bénéficier de la chaleur de cette dernière.

La maison, orientée généralement vers le midi, ne possède que quelques petites ouvertures (appelées fenestrous) pour se protéger du froid. Les vaches sont installée le long du mur nord, face à l'entrée, et sont alignées devant une mangeoire dans laquelle le foin arrive par des trappes communiquant avec le fenil (ou la fenière). Le fourrage pour 6 mois y est stocké pour tenir tout l'hiver.

Une cheminée massive (appelée aussi cantou) est souvent reliée avec son four. A l’extérieur, elle se détache du toit pour dépasser les couches de neige et réduire les risques d’incendie.

Se former

La délégation de Maisons Paysannes d'Ardèche organise des événements afin de faire découvrir le bâti rural ardéchois. Différentes initiations de la construction sous la forme de stage peuvent être proposées en partenariat avec l'association LIGER. Elles permettent de familiariser ceux qui le souhaitent au "piquage du genêt" ou à la pose de lauzes.

Bibliographie

  • CHAUVET J.-Y. (2013), Habitats partagés : les chaumières du Mézenc : (Ardèche et Haute-Loire), Revue Maisons Paysannes de France, n°187, 1T, pp.33-35.
  • CARLAT M. (1977), Les maisons Vivaroises, Revue Maisons Paysannes de France, n°46, 4T, pp.10-11.
  • CARLAT M., Découvrir le bâti rural ardéchois, Comprendre le patrimoine d’hier pour les réalisations de demain. Disponible à l'adresse : http://rhone-alpes.maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/sites/22/2015/06/maquette-livret-basse-def.pdf
  • FOURNET F., HAOND L., (2017), Toitures traditionnelles de montagne (lauze, genêt, paille), Cahier de Mémoire d'Ardèche et Temps Présent n°133, 2017. pp.75-78.
  • LEBORNE B. (2014), De lauze et de genêt, les toitures des grandes fermes de la montagne ardéchoise, Revue Maisons Paysannes de France, n°194, 4T, pp.35-36.
  • LIGER, site internet de l'association, disponible à l'adresse: https://www.association-liger-ardeche.com/
  • MAISONS PAYSANNES DE LA DRÔME, Compte-rendu de la visite de la montagne ardéchoise, juillet 2018, disponible à l'adresse http://rhone-alpes.maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/sites/22/2016/04/CR-sortie-2018-7-7-1.pdf
  • MONTAGNE ARDECHOISE, La ferme du Bourlatier, disponible à l'adresse :http://www.bourlatier.fr/FR/home.html
  • MOREAU P. (2001), Autres toitures en genêt : les "rigots" du Vivarois : Carnets de voyage de Pierre Moreau, Revue Maisons Paysannes de France, n°140, 1T, pp.34-35.
  • POIRIER M.-M. (2018), Toiture en genêt et en lauze, Les pailhisses, symboles du pays des sources de Loire, Revue Maisons Paysannes de France, n°209, pp.5-7.

Références

  1. CHAUVET J.-Y. (2013), Habitats partagés : les chaumières du Mézenc : (Ardèche et Haute-Loire), Revue Maisons Paysannes de France, n°187, 1T, p.34.