Bâti traditionnel de la région d'Abbeville

De Maisons Paysannes de France
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Maison à Mons-Boubert avec soubassement en briques peint en noir et couverture en panne picarde.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.

Le bâti picard s'est construit grâce aux ressources disponibles sur son territoire. La Picardie disposant de matériaux solides mais difficiles à extraire et à travailler, son architecture traditionnelle compte plus particulièrement des constructions à pan de bois. Le soubassement de ces bâtis est cependant construit bien souvent en pierre ou en brique.

  • la craie : fragile car gélive, elle n'est pas utilisée seule dans la construction mais s'associe notamment avec des briques.
  • le grès : présent dans les communes de Toutencourt et Herissart, il est quant à lui difficile à travailler et il sera employé pour les seuils et soubassements des bâtiments ainsi que les margelles de puits et les chasse-roues. Le soubassement de la cathédrale d'Amiens est notamment en grès.
  • le silex : On trouve ce silex en abondance en Picardie.
    Répartition des matériaux de construction de l'habitat traditionnel dans la Somme.

    Carte Maisons Paysannes de France. © Délégation de la Somme.

On trouve cette roche dans l'argile à silex, aussi appelé "bief" par les paysans de la région. Elle est récupérée lors de l'épierrage de ce sol lourd et difficile à travailler autrement.

Egalement, les falaises du bord de mer sont composées d'une alternance de silex noirs et de bancs de calcaire. Les éboulements fournissent alors des pierres qui deviennent par usure des galets.

Le silex est notamment maçonné à l'argile sous forme de galets ou de rognons juste extraits du sol. Ces pierres présentent l'avantage d'être imperméables et solides et se retrouvent notamment dans les soubassements des maisons picardes situées à proximité de la mer.
Maison à Hallivillers (Somme). Le toit est couvert d'ardoise et le solin est en grès avec un larmier le protégeant du ruissellement.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.
Il y a également des bâtis dont les silex sont taillés en parement afin de rendre apparente une cassure nette. Enfin, sur les bâtiments les plus riches, les silex sont taillés précisément sur plusieurs faces offrant ainsi des joints plus fins. La taille du silex relève néanmoins d'un savoir-faire spécialisé et élaboré qui a aujourd'hui disparu.

Structure de la maison picarde

La maison picarde traditionnelle est principalement bâtie en pan de bois et torchis, mélange d'argile, d'eau et de paille hachée (avoine ou foin d'herbe choisis pour leur souplesse, paillettes de lin), parfois remplacés par du crin ou crottin de cheval.

Disposition classique de la maison rurale picarde. Schéma d'après Jean Fauquembergue[1].

A part pour les demeures de prestige ou quelques granges, le pan de bois est masqué presque en totalité dans la Somme tandis qu'il est apparent en Normandie ou Champagne.

Maison à Cayeux (Somme). Le toit est couvert de chaume, les murs couverts de chaux et le soubassement peint en noir.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.

Solin

Maison à Naours. Le soubassement est en briques avec un larmier le protégeant du ruissellement. La couverture est en ardoise.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.

La structure en bois réalisée ne repose pas directement sur le sol mais sur un soubassement maçonné appelé un solin ou seulin en silex ou en briques de 20 cm d'épaisseur. Ce soubassement est généralement peint au goudron sur les maisons rurales ou celles des marins jusqu'en Flandre.

Ce goudron de bois venait de Norvège, pays du nord avec lequel le port d'Abbeville commerçait beaucoup pour le bois. Sa première utilisation consistait à étancher la coque des barques de pêche. Ce goudron a ensuite été remplacé au XIXème siècle par du goudron de houille mais est aujourd'hui remplacé par de la peinture noire.

Cela permettait d'empêcher l'eau de pluie ou de ruissellement d'entrer dans le solin de brique ou de silex (hourdé à l'argile) car les gouttières étaient inexistantes.

Ce solin joue également le rôle de structure porteuse car il va supporter le poids de la construction et les forces qui s'y appliquent. Les matériaux utilisés doivent donc être les plus résistants possible.


Fondations

Au préalable de la construction de ce solin sont réalisées des fondations. La terre est creusée sur une trentaine de centimètres pour constituer une fouille dans laquelle seront maçonnés des silex à l'argile. Cette assise a la fonction d'empêcher l'humidité du sol de remonter.
Hoc à fu servant autrefois à déchaumer.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.

Pan de bois

Sur ce solin est construite une charpente verticale,  un pan de bois garni de torchis. La structure du pan de bois réalisée par le charpentier va être réalisée en triangle, configuration évitant le déformation. Un lattis réalisé avec des lames de bois de noisetier ou tilleul fendues est attaché ou cloué sur les deux côtés des pans de bois avec un écartement d'environ trois doigts. Ce pan de bois est ensuite garni de torchis dont la surface est marqué de croisillons réalisés à la fourche qui servaient à donner plus d'adhérence à l'enduit. Celui-ci est constitué de torchis additionné de chaux grasse et de bourre (poils de vache) appliqué sur une couche de 1 à 2 cm.

L'argile tassée dans les murs constitue un bon matériau isolant.

Lors de fêtes locales, les façades (sans le soubassement) étaient blanchies avec ce lait de chaux.
Litage à Bellifontaine.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.
Pigeonnier recouvert de bardeaux de bois situé à Avesnes-Chaussoy.

Photo Jean-François Herlem © Maisons Paysannes de France, délégation de la Somme.

Bardage

Le bâti picard peut également être couvert d'un revêtement ou bardage en ardoise ou bardeaux de bois lorsque les façades sont exposées au vents dominants. Dans les régions humides, l'ardoise naturelle est particulièrement utile pour protéger les façades.

Couverture

La couverture de la maison était autrefois réalisée en chaume. Un croc à déchaumer appelé aussi "hoc à fu" en picard, se trouvait toujours accroché au mur extérieur d'une grange[2] . Il est encore parfois possible d'en croiser à Bainast (commune du Béhen) ou à Selincourt.

Elle a par la suite été remplacée à partir de la fin du XVIIIème siècle par une couverture en ardoise ou tuile. La pente d'une charpente en chaume est de 60° afin que l'eau s'écoule rapidement tandis qu'avec une couverture d'ardoises ou de tuiles, elle peut être de 45°. Ce changement de matériau de couverture a permis à certains propriétaires d'agrandir le grenier en réhaussant la pente du toit au niveau de la panne sablière par litage (appelé aussi "relieuve"). On peut encore observer les surélèvements sur le pignon de certains bâtis.

Bibliographie

  • DUPRE N., HERLEM J.-F., Le bâti traditionnel de la Région d'Abbeville, Extrait du Bulletin de la société d'émulation d'Abbeville, Tome XXXII, Fascicule 3, 2018.
  • MAISONS PAYSANNES DE LA SOMME, Les matériaux de couverture du bâti rural, Diaporama, 2018. Document disponible après contact avec la délégation des Maisons Paysannes de la Somme : http://picardie.maisons-paysannes.org/dpt/somme/nous-joindre/

Références

  1. Schéma Pauline GABERT d'après Jean Fauquembergue dans DUPRE N., HERLEM J.-F., Le bâti traditionnel de la Région d'Abbeville, Extrait du Bulletin de la société d'émulation d'Abbeville, Tome XXXII, Fascicule 3, 2018. p.449.
  2. DUPRE N., HERLEM J.-F., Le bâti traditionnel de la Région d'Abbeville, Extrait du Bulletin de la société d'émulation d'Abbeville, Tome XXXII, Fascicule 3, 2018. p.462.