Lucarnes d'Ingré (Loiret)

De Maisons Paysannes de France
Ceci est la révision approuvée de la page, et aussi la plus récente.

En Loiret, les lucarnes décorées d’Ingré

Fronton d'une lucarne décoré d'un sanglier, d'un arbre avec glands. Sous cette représentation, présence des initiales "MAS".

Photo Claudie Plisson © Maisons Paysannes de France, délégation du Loiret.
Maison dite de « La Cigogne », datée de 1885. Façade à l'ornementation originale et soignée.

Photo Claudie Plisson © Maisons Paysannes de France, délégation du Loiret.

La particularité d’Ingré (commune du nord de l’agglomération d’Orléans qui comptait entre 2000 et 3000 habitants dans le deuxième moitié du XIXème siècle) et des communes avoisinantes (Ormes, Saran, La Chapelle-Saint-Mesmin) est de posséder une riche et intéressante série de lucarnes à fronton décoré ou marqué, à côté bien sûr d’autres maisons à lucarne simple, en bois ou à la capucine, ces dernières ne pouvant matériellement pas recevoir de décor. Sans prétendre à l’exhaustivité, il est de constituer à Ingré une « collection » représentative des principaux motifs décoratifs.

La construction des maisons à lucarne ornée s’étale d’environ 1850 au tout début du XXème siècle, en lien avec une prospérité liée à la viticulture d’avant l'invasion du phylloxéra. Les lucarnes ornées sont toutes des lucarnes gerbières, en pierre, donnant accès au grenier ; la grande majorité comporte jambages et fronton triangulaire, quelques unes ont un fronton arrondi. Toutes les rues anciennes possèdent des lucarnes, mais les plus nombreuses se trouvent dans les rues de Coûtes, de Selliers et Route Nationale. Il existe bien sûr à Ingré beaucoup d'autres lucarnes (à fronton triangulaire ou à la capucine) sans décor. Le nombre de ces lucarnes laisse entrevoir une émulation entre les propriétaires (souci d’affirmer une identité, une position sociale, une certaine aisance...) ; certaines constituent de véritables œuvres d’art populaire, sans doute réalisées par des sculpteurs ou tailleurs de pierre locaux : on retrouve en effet quelques motifs répétés à l’identique sur plusieurs de ces lucarnes.

Inventaire des motifs

  • Les noms de propriétaires, la plupart du temps par les seules initiales ; un nom est développé en entier sur la Route Nationale où sur 3 frontons identiques on peut lire le nom du propriétaire : MA-TR-ON


  • des marques de métier : boulanger, maçon ou charpentier et bien sûr tous les métiers de la vigne. Tonneaux, pampres et grappes s’épanouissent sur les frontons...

Gaston COUTÉ, poète beauceron (1880-1911) témoignait de l’intense activité vigneronne de la région orléanaise :

"...V’là les pesans qu’ont fait vendanges !

V’la les perssoués qui piss’nt leu’s jus ;

On travaille aux portes des granges

A rassarer l’vin dans les fûts..."[1]




  • La croix et la fleur de lys
  • Le losange revient souvent, simple figure géométrique ou symbole de la fécondité, préoccupation majeure des anciens : fécondité de la famille, du troupeau et abondance de la récolte.



  • Le symbole solaire et ses variantes : cercle, étoile à 5 branches, marguerite, fleur à pétales, soleil rayonnant, rouelle,...


Lucarne guitarde avec initiales "A D", datée de 1821.

Photo Maisons Paysannes de France © Délégation du Loiret.



On peut évidemment s’interroger sur le sens de ces figures, récurrentes dans l’art populaire , qu’on retrouve aussi sur les coffres, armoires, buffets ou objets utilitaires en bois : renvoient-elles à une symbolique , ont-elles un but purement décoratif ? Il n'est pas possible de trancher (sans doute y a-t-il un peu des deux...), mais deux ouvrages proposent des réponses possibles[2][3].

Gros plan sur 2 lucarnes remarquables :

  • Sur la Route Nationale, datée de 1821, une lucarne de type compagnonnique, dite guitarde (malheureusement affublée d’un volet roulant...). Les « liens guitards » désignent un assemblage de bois courbes dans un plan circulaire ou ellipsoïdal. C'est la complexité de sa charpente qui en constitue l'ornementation.
  • Sur une maison de bourg, dite « La Cigogne », datée de 1885, une ornementation originale et particulièrement soignée (traces de peinture).

Bibliographie

Références

  1. COUTÉ G., "La chanson d'un gas qu'a mal tourné", Après vendanges , E. Rey, 1928. pp.179-183. Disponible à l'adresse : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Chanson_d%E2%80%99un_gas_qu%E2%80%99a_mal_tourn%C3%A9/Apr%C3%A8s_Vendanges
  2. CUISENIER J. L’art populaire en France, Office du Livre, 1975 (avec le concours du CNRS).
  3. FILIPETTI Symboles et décors des maisons villageoises, Marques sociales, protections magiques, Rustica Editions, 1997.