Pont en pierre (Construction)

De Maisons Paysannes de France
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Le pont routier de Chaldecoste, à Ventalon en Cévennes (anciennement Saint Andéol de Clerguemont) est situé sur la route de Lézinier à Sambuguet (Lozère), dans le Parc Régional des Cévennes.
Pont routier de Chaldecoste.

En arrière plan, le pont muletier construit en schiste maçonné avec du chaux-sable qui a inspiré la création du pont en premier plan.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©


Le projet a reçu le Prix "Coup de coeur" René Fontaine 2013 récompensant l'initiative du maire de reconstruire un pont en utilisant les ressources locales et savoir-faire locaux utilisant du schiste local et pour avoir préconisé les savoir-faire des artisans.

Après l'effondrement du pont le 1er novembre 2008, emporté par les intempéries, le maire de la commune, Camille Lecat, a décidé de reconstruire le pont. Ne souhaitant pas d'un pont avec tablier en béton paré de pierres, c'est après des recherches aux archives municipales qu'il découvre un projet de pont en pierre datant de 1870[1]. Il souhaite alors reprendre cette idée et réaliser l'ouvrage en pierres maçonnées principalement à la chaux.

Les travaux ont duré 6 mois.

Réalisation du pont

Avant les travaux

Site avant la construction des fondations du pont.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©
La rivière était autrefois traversée par un pont constitué d'une buse galvanisée d'environ 1 mètre de diamètre, entourée de murs en béton non ferraillé. L'ouvrage, remblayé avec du tout venant, était paré de schiste à joints épais en ciment. Avant de le construire, la conception du pont routier a été étudiée avec des carriers qui ont choisi les pierres adaptées.

Étapes de restauration

Le chantier, dont le plus gros des travaux a été effectué sur 3 mois, a nécessité la présence d'une quinzaine de personnes.

Phase de terrassement et fondations - Juin 2011

Construction des fondations du pont. Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©
Cintre du pont de Chaldecoste.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©
La décision de réaliser en pierre a nécessité le terrassement du site pour fonder l'ouvrage directement sur un substrat rocheux. Plusieurs assises de pierre ont permis de rattraper les niveaux du sol pour la création de culées du pont.

Les fondations ont été réalisées en schiste venant de la carrière locale Saint-Julien-du-Tournel. Elles ont été maçonnées avec un mortier bâtard (mélange constitué de ciment violet 52,5 et de chaux à parts égales, de sable et d'eau), contrairement au reste de l'ouvrage lié à la chaux. 

Bien que ce type de ciment ne soit pas préconisé par l'association Maisons Paysannes de France, il a été toléré dans le cadre de la construction du pont : les fondations étant exposés au passage du cours d'eau, le mortier ciment 52,5 permet un durcissement plus rapide de l'ouvrage en milieu humide ainsi qu'une résistance à l'acidité de l'eau.

Construction de la voûte et des murs tympans

Cintrage de la voûte
Taille de pierre sur place lors de la construction de la voûte du pont routier de Chaldecoste.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©
La construction de la voûte a débuté par le montage du cintre constitué par des vaux, éléments semi-circulaires de six mètres de diamètre en bois de mélèze, reliés entre eux par des couchis. Ce cintre définit la géométrie de la voûte et permet sa construction en supportant les charges pendant les travaux. Il prend appui sur les massifs de fondations de l'ouvrage par l'intermédiaire de cales amovibles.

La voûte est réalisée à joints vifs en blocs de schiste extraits tout comme celles des fondations dans la carrière de Saint-Julien-du-Tournel, liés par un mortier de chaux hydraulique. D'une épaisseur de 170 cm au niveau des culées, elle diminue ensuite pour atteindre 50 cm à la clé de voûte. Les blocs constituant la clé de voûte sont mis en place en force afin d'assurer une compacité maximale à l'ouvrage.

Les blocs du bandeau de la voûte et des parements visibles des tympans ont bénéficié d'un travail de taille important afin de donner un aspect naturel à la pierre.
Décintrement de la voûte du pont.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©
La construction des murs de tympans a été menée en même temps que celle de la voûte et de manière symétrique de part et d'autre afin d'éviter une dissymétrie du chargement.
Décintrement de la voûte - Septembre 2011
Une semaine après la construction de la voûte, l'ouvrage a été décintré.
Cible fixée sur les blocs de pierre d'un bandeau afin de faire la mesure topométrique.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©
Les calles du cintrage ont été retirées, transmettant ainsi les efforts aux étais installés sous la voûte. Les étais ont finalement été desserrés pour s'abaisser progressivement, jusqu'au décollement complet du cintre.

Un suivi topométrique a été réalisé par l'École Nationale des Travaux Publics de l'État (ENTPE) dans le cadre du projet de recherche PEDRA, financé par le Ministère de l'Ecologie[2]. Pour ce faire, des cibles ont été fixées sur les blocs de pierre d'un bandeau afin de mesurer le déplacement vertical maximal de l'ouvrage. Celui-ci a été enregistré à moins d'un 1mm au niveau de la clé de voûte.

Les éléments composant le cintre ont ensuite été retirés, pendant que se finissait la construction des murs tympans.

La voûte finale a donc un diamètre de 6m avec une largeur de 4,60m pour une masse de 70 tonnes.[3]

Finition de l'extrados et pose d'un revêtement

Pose de grave sur la membrane d'étanchéité.

Photo Maisons Paysannes de France - Prix René Fontaine ©

À la fin de la construction de la voûte, son extrados et les redans des murs tympans ont été enduits de chaux afin de faciliter la pose d'une membrane étanche. Des drains permettant le recueillement et l'évacuation des eaux de ruissellement ont été mis en place. L'extrados de la voûte a ensuite été recouvert d’un revêtement étanche rempli en grave non traitée puis couvert de goudron de roulement en enrobé bitumineux.

Cette dernière étape a permis de rétablir la liaison avec la route.

Construction de parapets

Des parapets assurant la sécurité du pont ont ensuite été construits avec des schistes maçonnés à la chaux. Les schistes proviennent de la carrière de Lachamp.

Construire en pierre : atout patrimonial, environnemental et économique

La construction de ce pont en pierre, en plus de son intégration paysagère réussie, présente également un intérêt social et des atouts environnementaux et économiques.

Le projet est aussi l'exemple de la persistance d'un élu en faveur de la valorisation de l'artisanat et des savoir-faire locaux (artisans et carriers) mais montre également la nécessaire consultation de plusieurs organismes spécialistes dans la réuisste d'un projet.

Missions et acteurs mobilisés

Mise en œuvre du pont

  • Quatre entreprises membres de l'association ABPS (Artisans bâtisseurs en pierres sèches)
  • Carrière de Saint-Julien-du-Tournel
  • Carrière de Lachamp
  • Entreprise de coordination des travaux

Conception et assistance technique

  • SEDOA (Sud Études et Diagnostiques d'Ouvrages d'Art
  • SOCOTEC

Essais de résistance des matériaux et des mesures de suivi des déformations

  • ENTPE
  • Ecole Centrale de Lyon

Bilan économique, environnemental et sociétal de l’opération

  • SETRA (Service d’Etude sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements)
  • IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports de l’Aménagement et des Réseaux)

Intérêt social

L'appel d'offre du projet comportait une clause d'intérêt social, c'est à dire que des bénéficiants du RSA ou en recherche d'emploi se sont vus attribué du travail (pour un volume de travail réparti d'environ 300 heures). Une quinzaine de personnes ont notamment oeuvré sur le chantier.

La construction de ce pont a également servi d'exemple aux plus jeunes, intéressés par le travail de la pierre, leur permettant d'acquérir une pratique applicable par la suite dans la préservation et la promotion des ouvrages du patrimoine local réalisés en pierre.

Intérêt environnemental

Le pont étant construit en schiste local, il est moins dégradant qu'un pont qui serait réalisé avec une buse en béton recouverte de volumes importants de terre et de rochers.

Intérêt économique

Le coût de cet ouvrage avec voûte en maçonnerie a été estimé à 175 000€. D'après l'analyse économique réalisée par le SETRA (Service d’Etude sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements), ce chiffre est proche de celui que coûterait un ouvrage dont la voûte serait réalisé en béton. [4]

D'après l'analyse du cycle de vie sur une période de 100 ans, l'ouvrage en maçonnerie de schiste ne demandera pas autant d'entretien qu'un ouvrage en béton, ce qui représente un avantage économique supplémentaire[5]. Les mesures effectuées pendant toutes les étapes de la mise en oeuvre du pont permettent également une meilleure maintenance de l'ouvrage.

Les subventions accordées réinvesties dans ce projet de pont ont permis à la commune, au Parc des Cévennes et au département de Lozère de préserver les emplois locaux et de favoriser l'économie locale[6].


Bibliographie

  • MAISONS PAYSANNES DE FRANCE, Reconstruction d’un pont, pour une voie publique, Candidature pour le Prix Maisons Paysannes de France - René Fontaine, 2013. Pour plus d'informations, Maisons Paysannes de France, Prix Architecture et Patrimoine : http://maisons-paysannes.org/actualites/?24818_savoir-jury-prix-architecture-patrimoine-mpf-2
  • POIRIER M.-M., Un pont qui mène loin, Concours MPF René Fontaine 2013, Prix hors concours, Revue Maisons Paysannes de France, n°196, 2T, 2015. p.6.
  • PIERRE ACTUAL; GOUPY D., Le pont de Chaldecoste renoue avec la tradition, Revue Maisons Paysannes de France, n°196, 4T, 2013. pp.28-31. Reprise de la Revue Pierre Actual, n°193, février 2013.
  • VINCENT M.-P., Un pont en pierre exemplaire, Pays de Lozère, 26 septembre 2012.

Références

  1. MAISONS PAYSANNES DE FRANCE, Reconstruction d’un pont, pour une voie publique, Candidature pour le Prix Maisons Paysannes de France - René Fontaine, 2013. p.4. Pour plus d'informations, Maisons Paysannes de France, Prix Architecture et Patrimoine : http://maisons-paysannes.org/actualites/?24818_savoir-jury-prix-architecture-patrimoine-mpf-2
  2. PIERRE ACTUAL; GOUPY D., Le pont de Chaldecoste renoue avec la tradition, Revue Maisons Paysannes de France, n°196, 4T, 2013. p.29.. Reprise de la Revue Pierre Actual, n°193, février 2013.
  3. VINCENT M.-P., Un pont en pierre exemplaire, Pays de Lozère, 26 septembre 2012.
  4. TARDIVEL Y., Le pont en maçonnerie de Chaldecoste, Un pont vers un développement durable en Lozère, Colloque Le Pont, SETRA (Service  d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements), 2013. p.14. Disponible à l'adresse : https://www.le-pont.com/wordpress/wp-content/uploads/2017/04/12-Presentation-Yannick-Tardivel.pdf
  5. Ibid. p.15. Disponible à l'adresse : https://www.le-pont.com/wordpress/wp-content/uploads/2017/04/12-Presentation-Yannick-Tardivel.pdf
  6. Ibid. p.16. Disponible à l'adresse : https://www.le-pont.com/wordpress/wp-content/uploads/2017/04/12-Presentation-Yannick-Tardivel.pdf